L'édifice Seracon sera démoli

Par l’Agence de presse libre de la Pointe 17 février 2010.

Après avoir perdue le premier affrontement, le propriétaire de l’édifice Seracon vient de remporter la deuxième manche.
En effet, 2985 St-Patrick, occupé par le Centre social autogéré au moi de mai dernier, sera démoli selon la décision unanime du conseil d’arrondissement. Celle-ci renversait une décision du comité d’étude des demandes de démolition.

Une décision stratégique

Premier véritable test politique du nouveau Maire et des éluEs du Sud-Ouest, l’enjeu Séracon a permit à la vingtaine de résidentEs du quartier Pointe-Saint-Charles dans la salle de connaître les motivations qui ont guidé le choix des éluEs.

Dans ce sens, la promesse de la transparence a été tenue face aux citoyenNEs présentEs. Ainsi, la douzaine de personnes inscrites à la période de questions et de commentaires ont pu « pratiquement » débattre avec le maire Benoît Dorais les tenants et aboutissants de ce dossier. Une telle possibilité était absolument impensable durant le règne de Jacqueline Montpetit.

Ce débat, d’une durée de près de 2h½ qui n’a pas paru trop long, comportait une motion ainsi qu’une résolution sur la démolition. La motion (une intention comme l’a souligné le Maire à plusieurs reprises) a été présentée comme une démarche stratégique pour permettre à l’arrondissement de contrôler l’avenir du terrain sur lequel se trouve l’édifice Seracon.

Cette motion prévoit que le futur emplacement pourrait avoir les usages suivants : de l’habitation, du commerce et/ou de parc. Cette dernière mention ayant été ajoutée par les éluEs au dernier instant. Pourquoi pas seulement pour fin de parc s’est interrogé un intervenant? Tout simplement parce que ce serait court-circuiter les intentions du propriétaire de réaliser un projet habitation/commerce. Autrement dit, ce serait utiliser une réglementation pour bloquer un projet déjà annoncé. Il s’ensuivrait, sans aucun doute dans l’esprit des éluEs, des poursuites pour faire invalider la décision du conseil. C’est ce que nous avons saisi des réponses.

Ainsi aux préoccupations voulant qu’une telle motion suscite la spéculation sur le terrain évalué entre 3 et 4 millions$, le Maire a répliqué qu’il avait joué cartes sur table avec le propriétaire en lui indiquant qu’un échange de terrain et qu’une mise en réserve, c'est-à-dire une expropriation à des fins d’utilité publique, demeuraient des possibilités d’action de la part du conseil. Selon Benoit Dorais, une mise en réserve annule à toute fin pratique la spéculation potentielle sur le terrain. Toutefois, il faut noter que tant qu’une décision n’est pas prise à cet effet, des jeux spéculatifs de coulisse sont toujours possibles.

Et comment la décision d’avenir sera-t-elle prise ? Benoît Dorais compte lancer un forum de débat, sorte de consultation, où le conseil souhaite arriver à un consensus dans la population. Ainsi, une nouvelle motion pourrait résulter des discussions publiques.

Reconsidérer la démolition

Le Maire a été un peu rapide en considérant qu’il y avait consensus sur la démolition de ce bâtiment. Il n’est ni historique, ni patrimonial, ni d’intérêt architectural s’est-il contenté de rappeler.

Mais pourquoi démolir un bâtiment s’il est solide et s’il peut être réutilisé à d’autres fins ont insisté quelques personnes ? En effet, aucun rapport disponible ne nous permet d’évaluer la condition du bâtiment qui apparaissait, aux yeux de militantEs du Centre social autogéré qui l’ont occupé en mai dernier, en relative bonne condition. Ce questionnement montre qu’il y a de gros trous dans la réglementation supposé protéger le bâti. D’ailleurs des propriétaires n’hésitent à laisser leurs bâtiments à l’abandon afin d’obtenir plus facilement un permis de démolition par la suite, mettant les éluEs devant un fait accompli, c'est-à-dire un bâtiment devenu dangereux par manque d’entretien.

Le Maire a tout de même reconnu que de nouvelles mesures pourraient être adoptées à cet égard, ce qui pourrait sauver de la destruction inutile et du gaspillage des bâtiments qui peuvent servir. Il y en a plusieurs dans le quartier.

La décision des éluEs

Alors, la proposition de démolition, présentée comme stratégiquement incontournable, a tout de même suscitée des inquiétudes manifestées par la conseillère Thiébault et le conseiller Bélanger. D’ailleurs, ce dernier a demandé au Maire un caucus à huit clos de 10 minutes pour faire part de ses préoccupations. Ce à quoi Benoit Dorais a répliqué qu’il préférait que ce huit clos reste « public ». Beau joueur, le conseiller Bélanger a reconnu plus tard la pertinence de la position du Maire. Et la décision fut adoptée à l’unanimité.

Une troisième manche à venir

La lutte des citoyenNEs n’est pas terminée mais le message est lancé. Les marges d’action des promoteurs pourraient être réduites. Bien que le Maire soit revenu à quelques reprises sur le fait « de ne pas brimer les droits d’un propriétaire » tout en poursuivant une sorte de consensus avec la population (on pourrait dire un capitalisme à visage humain), c’est bien des intérêts opposés qui s’affrontent. Et si le proprio ne devait pas réaliser son projet et qu’une expropriation devenait nécessaire ce sont toutefois des fonds publics soumis aux aléas de la spéculation et de la décontamination qui viendrait encore engraisser un propriétaire immobilier.

Un compromis acceptable à ce moment-ci, puisqu’il empêcherait pour la première fois la réalisation d'un projet de condos sans logement social et surtout… qu’il permettrait de déplacer légèrement le rapport de force en faveur des intérêts de la majorité.

Mais rien n’est encore gagné, la pression est de mise.