Manifeste pour une démocratie directe

Derrière la démocratie représentative se cache une oligarchie.

Que diriez-vous s'il existait un parti politique qui pouvait faire ce qu'il veut au sein d’un pays, alors que 80% des gens n'auraient pas voté pour lui? C'est pourtant exactement la situation du Canada et du Québec en ce moment!

Selon Élections Canada, lors des dernières élections fédérales canadiennes tenues le 2 mai 2011, les conservateurs ont obtenu la majorité avec 39,6%... des votes. Mais en multipliant ce résultat par le taux de participation lors de ces élections (61,4%), on réalise que les conservateurs n'ont eu le vote que de 24,3% des électeur-trice-s inscrit-e-s. Si on refait le même calcul mais avec l’ensemble de la population canadienne adulte (20 ans et plus) en incluant les gens qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales, on réalise que c’est seulement 21,9% de la population adulte qui a voté pour le parti conservateur. Jean Charest au Québec obtient des résultats à peine plus élevés que ceux de Harper. Ils sont donc non-élus par une écrasante majorité. Pourtant, leurs partis auront légalement le droit de gouverner tout le pays ou la province, de faire passer nombre de lois et de réorienter les fonds publics selon leurs idéologies et intérêts, qui pourtant ne représentent absolument pas la majorité de la population.

Le fait que notre système politique permette qu'une minorité puisse gouverner la grande majorité n’est-il pas contraire à l’idée même de démocratie? C’est que cette démocratie est de type représentatif, c’est-à-dire que l'ensemble de la population n'est pas appelé à se positionner sur les décisions qui l’affectent, son pouvoir décisionnel est plutôt délégué à un-e représentant-e qui, comme son nom l’indique, devrait la représenter. Bien qu’on nous fasse croire que ces gens sont des « experts » connaissant à fond tous les enjeux et étant en mesure de choisir pour nous ce qu’il faut faire, il est tout à fait impossible qu’une personne soit en mesure de représenter les intérêts, les observations et les réflexions de milliers de personnes. En découle une prise de décision orientée par les personnes étant en contact plus rapproché avec les politicien-ne-s ce qui a long terme fait des courtisans une classe de privilégiés. De plus, ils sont élus sur la base d’un programme de parti et d’un nombre de promesses faites durant la période électorale, mais ils ne sont aucunement redevables à la population, car ils ne sont pas tenus de respecter leurs engagements pré-électoraux. Certains peuvent même avoir des agendas cachés. Et même s’ils font le contraire du mandat pour lequel ils ont été élus, on ne peut pas les révoquer.

Il n'y a donc pas de délégation, ni de représentation, ni même de mandat clair, mais plutôt des politicien-ne-s qui s’échangent aux quatre ans le pouvoir de décider de l'aménagement du territoire, de la circulation des ressources, des politiques, des lois, des règles, des budgets, etc... sans que la majorité de la population puisse avoir son mot à dire. Il s'agit de fait, d'un type de despotisme de quatre ans qui sera souvent utilisé à des fins personnelles de carrière et pour répondre aux intérêts des groupes de lobbys constitués par les industries et multinationales les plus importantes. Parce que pour devenir premier ministre, il faut de l’argent et que cet argent ne se trouve pas dans les poches des pauvres ou de la classe moyenne; il vient de celles des banques, des grandes industries et de la mafia qui attendent ensuite un retour d’ascenseur. Voilà pourquoi dans un système représentatif, c'est généralement l'oligarchie qui détient le pouvoir.

Une démocratie dans laquelle la très grande majorité de la population n'a pas le pouvoir décisionnel est tout simplement une aberration! C’est un abus du mot démocratie. Pouvoir du peuple, c'est ce qu’il signifie. Par opposition, l’oligarchie est une forme de gouvernement dirigé par un petit groupe de personnes qui forment une classe dominante, restreinte et privilégiée. Cette dernière définition décrit très bien le type de gouvernance présente au Québec, au Canada et dans la majorité des pays du monde.

Plusieurs personnes croient que le problème provient du système électoral car il n’est pas proportionnel. Dans un régime proportionnel, un parti recueillant 39,1% des voix exprimées recevrait 39,1% des sièges au parlement. Plusieurs pays d’Europe ont un régime proportionnel, mais la situation est aussi problématique là-bas. Israël est le régime le plus proportionnel au monde, mais ça ne l’empêche pas d’être un des régimes les plus violents au monde, contrôlé par une poignée de dirigeants militaires, politiques et économiques. Le problème, c’est l’abdication de la souveraineté populaire à une minorité, qui devient nécessairement une élite évoluant au-dessus de la société. La manière dont nous exerçons notre droit de vote en ce moment consiste plus à une rémission de notre pouvoir décisionnel qu'à un véritable acte démocratique, puisqu'on le délègue, ce qui nous désengage de la vie politique qui pourtant nous affecte toutes et tous.

La solution : la démocratie directe

Avec la répression du mouvement étudiant ayant fait de nombreux blessés graves dont certains mutilés à vie, avec la loi spéciale, le Plan Nord, les gaz de schiste, la hausse des tarifs et la privatisation des services publics, avec la loi contre le port du masque, l'augmentation des dépenses militaires, et les subventions faites aux multinationales, on voit plus clairement vers où l'oligarchie capitaliste s’en va. Le capitalisme nécessite une croissance permanente pour fonctionner. À mesure que les ressources s'amenuisent, les groupes d'intérêts au pouvoir cherchent des nouvelles sources de fonds et pour ce faire, ils investissent de moins en moins d'argent – provenant de nos impôts - dans les services publics ou les privatisent pour créer de nouveaux marchés. Pour que la croissance continue, ils concentrent les richesses, ce qui a comme conséquence de faire grandir les inégalités. Cela provoque de grandes injustices qui amènent un mécontentement social pouvant générer de grands mouvements de rébellion. Pour garder leur position, les pouvoirs ont donc de plus en plus recours à la force. Ainsi plus le capitalisme avance, plus la répression augmente et plus la violence de l'État devient brutale et extrême envers ses opposant-e-s. C'est ce qui se passe dans plusieurs pays en Occident en ce moment. Ce modèle de civilisation est profondément destructif, injuste et violent. Il a démontré sa faillite générale à répondre au bien-être du vivant en général. Nous avons donc le devoir de le renverser.


Face à ce constat, nous ne pouvons penser l'actuelle grève sociale comme une simple lutte pour le retour à de meilleurs services, l'abolition de quelques lois antidémocratique et l'arrivée d'un nouveau parti politique plus juste. Notre rôle est de reprendre la société en main. Nous devons repenser en profondeur l'organisation politique et économique en démocratisant la société afin de remettre le bien commun à l’ordre du jour. Pour que la société soit réellement démocratique, l'égalité économique doit être généralisée afin que chacun-e soit en mesure de se prononcer sur l’ensemble des décisions qui l’affecte sans être museler par la subordination économique. La solution pour sortir de la crise actuelle, c’est la démocratie, la seule, la vraie : la démocratie directe – ou autogestion – dans laquelle les citoyen-ne-s exercent directement le pouvoir. Nous devons reconstruire les assemblées générales, les conseils populaires, les budgets participatifs, les coopératives autogérées et utiliser les référendums pour que notre société s'oriente elle-même depuis la base de la population et dans l'horizontalité.


Tout doit être démocratisé : économie, éducation, politique, médias, famille, travail, arts, et sciences, sans quoi les démocraties limitées à certaines de ces institutions seront condamnées à demeurer fausses, comme la nôtre en ce moment. Naturellement discuter et participer à la vie publique prend du temps, mais travaillerions-nous autant, sans conciliation avec nos besoins familiaux ou autres, si les objectifs économiques étaient fixés démocratiquement plutôt que par une poignée de banquiers et de patrons, des « profiteurs » au sens le plus propre du terme? Dans une société démocratique, l’objectif de la vie économique ne sera vraisemblablement pas l’accumulation sans fin de profits, mais bien la satisfaction des besoins humains de manière écologique. Serons-nous si pressés que nous n’aurons pas le temps de discuter? Le temps et la lenteur sont aussi des besoins.

On veut nous faire croire que la démocratie directe est un projet utopique, que ce n’est pas réalisable. Pourtant, elle a déjà existé et fonctionné à de nombreuses reprises et sur de longues périodes de l’histoire de l’humanité. Le secret d’une démocratie fonctionnelle, c’est la décentralisation. Il ne s’agit pas de démembrer ou de diviser la société, simplement de ramener chaque décision au palier le plus bas possible de délibération, celui qui couvre toutes les personnes concernées, mais sans plus. C’est le principe de la fédération. En décentralisant les petites décisions du quotidien, on libère du temps et des énergies pour les grands débats de fond, ceux qui prennent du temps, et qui sont souvent les plus importants.

La démocratie directe n’est pas une utopie irréalisable, c’est un projet qui nous appartient et qu’on peut commencer à construire dès aujourd’hui. Il est nécessaire d'organiser une grande réflexion collective sur les moyens que nous pouvons prendre pour instaurer la démocratie directe dans notre société, et sur les avantages et les défis qu’elle représente. Passons directement à l’action en organisant des assemblées populaires permanentes dans nos milieux de vie et de travail, dans nos quartiers, villages, régions, pays, afin de reconstruire le pouvoir populaire et reprendre en main notre destin par la mise en commun de nos forces, réflexions et ressources!

Notre avenir est entre nos mains, pas dans celles du patronat, des banques et du parlement! Ensemble, destituons les oligarchies! Construisons la démocratie directe!

Vive la démocratie directe! Vive la liberté!

Par Nicolas Van Caloen, Pascal Lebrun et Geneviève Lambert-Pilotte

Ces idées ne nous appartiennent pas, parce qu’aucune idée ne peut être la propriété de qui ou de quoi que ce soit. Ajoutez vos noms! Le manifeste appartient à quiconque l’endosse!

Vous pouvez le faire en ligne ici :

http://www.petitions24.net/manifeste_pour_une_democratie_directe

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