L'État est violent, pas nous!


« Au Québec, nous vivons dans une société démocratique ou rien ne peut justifier la violence et l’intimidation »
-- Jean Charest, Premier Ministre du Québec (1)

Je suis contre l’augmentation des droits de scolarités.
Je suis pour la protection du bien commun.
Je suis contre tous les systèmes d’exploitation.
Je suis pour la démocratie directe.

J’étais parmi les milliers de personnes qui ont participé à la manifestation contre la loi spéciale cette nuit.
Après quelque temps, la manifestation est déclarée illégale. Des lignes d’antiémeutes à pied et à vélo chargent la foule de tous bords, de tous côtés. « On bouge! On bouge! ». La foule ne se laisse pas disperser. Les tensions montent. La peur aussi. C’est la dispersion.

Je me préparais à aller à la maison, je débarrais mon velo, quand je fus encerclée par une vingtaine d’agents de l’escouade anti-émeute avec mon conjoint et cinq autres personnes qui m’étaient inconnues.
Soudainement la rue McGill College fut envahie par 20 voitures de police, un autobus plein d’antiémeutes casqués et encore plus d’agents à pieds, bâton à la main.
Mon cœur bat à tout rompre. Je me sens faible. J’ai la bouche sèche. J’ai la gorge serrée. J’ai peur.
Une heure plus tard je suis mise en état d’arrestation pour attroupement illégal. Je suis fouillée membres écartés, comme dans un film.
Je suis entassée dans une cage sans air d’une fourgonnette en acier avec une autre femme, arrêtée elle aussi. Je commence à suer. J’ai la tête qui tourne. Je me sens claustrophobe. Je demande à ce qu’on ouvre la porte pour avoir de l’air. On m’ignore.

Je sens la peur montée quand je vois que la fourgonnette prend l’autoroute vers l’est. Je comprends qu’on nous amène au poste de quartier 48 sur Langelier.
Une personne à la fois est escortée d’un des deux autobus pleins à craquer. Ma compagne de cage s’énerve. Ses menottes sont trop serrées. Elle ne sent plus ses mains. Nous demandons de l’aide. On nous dit de nous taire.

La panique monte. Pourquoi sommes nous enfermées comme des animaux?

Toutes les personnes arrêtées sont identifiées et relâchées. Je n’en peux plus. Les policiers prennent une pause. Ils mangent. Ils fument.
Je n’ai plus d’air. J’ai envie. Je crie. Nous crions ensemble. On nous dit d’arrêter de nous énerver.

Après plus de 2 heures d’attente c’est mon tour. Je suis photographiée. Je reçois un constat d’infraction en vertu du règlement municipal dont la description est la suivante : « ayant participé ou étant présent à une assemblée, un défilé ou un attroupement mettant en danger la paix, la sécurité ou l’ordre sur le domaine public ».

J’arrive à la maison à 5h30. Je suis épuisée. Je suis outrée.

Apparemment, dans le Québec démocratique de Jean Charest, mes idées et mes actes justifient l’intimidation et la violence.

Je ne peux pas être complice d’un État qui réprime ma dissidence. Celle des milliers d’étudiantes et d’étudiants en grève. Celle des travailleurs et travailleuses.
J’ai peur. Mais la cause est juste. Je ne me laisserai pas intimider par leur violence. Le combat continue.

Anna Kruzynski
Le 17 mai 2012

(1) source: Conférence de presse pour annoncer le dépôt d'un projet de loi spéciale touchant le conflit étudiant