Anciens terrains du CN: la conclusion approche

Agence de presse libre de la Pointe - 25 septembre 2012. Après huit ans de lutte politique qui a mené les acteurs communautaires de Pointe-Saint-Charles à innover et à influencer fortement la ville de Montréal et des promoteurs immobiliers, le dossier des anciens ateliers du CN est sur le point de se conclure.

C'est-à-dire qu'une étape cruciale est en passe d'être franchie: l'approbation, par le conseil de ville de Montréal, de l'accord de développement qui lancera les travaux sur le site. Cette approbation est retardée mois après mois depuis 1 an car des éléments manquent toujours à ce dossier complexe.

Or, depuis vendredi dernier, les derniers documents sont, en principe, tous rassemblés. L'approbation de l'accord de développement devait être à l'ordre du jour de l'actuel conseil de ville (24 et 25 septembre 2012), mais un document essentiel n'a pas pu être rendu à temps. L'approbation est donc remise au mois d'octobre.

Une lutte de longue haleine

Cet accord de développement préside au "redéveloppement" de ce terrain de 3,5 millions de pieds carrés. Rappelons qu'en 2003 la compagnie Alstom, qui louait les terrains au CN, décide de cesser ses activités. Deux ans plus tard, le CN vend le terrain au promoteur Vincent Chiara du Groupe Mach, qui lui doit le revendre à Loto-Québec pour y construire des installations pour son casino projeté. La lutte populaire contre le casino a empêché ce projet.





Depuis lors, les acteurs du quartier se battent pour que le redéveloppement des terrains se fasse en continuité avec le quartier existant, une continuité urbanistique et sociale. Cela signifie, dans ce quartier qui compte près de 40% de logement social, qu'on refuse la construction de condos de luxe et qu'on exige au moins 30% de logements sociaux (OSBL et coopératives). Cela signifie aussi une demande d'espaces communautaires.

Des premières propositions locales d'aménagement en 2004 jusqu'à la signature d'une entente de don de bâtiment vendredi dernier, la lutte politique fut longue, complexe et pleine de rebondissements. Pour ceux qui s'y intéressent, notre section Terrains du CN la relate en entier.

Une grande victoire pour le quartier, avec des bémols

Maintenant que la lutte se conclut, comment la qualifier du point de vue du quartier?

Certains gains sont clairs:
(1) la conservation d'un parc qui devait être démoli pour faire passer des camions. Au contraire, les acteurs communautaires ont su négocier l'obligation d'ouvrir une entrée pour camions par l'arrière du site plutôt que par les rues résidentielles du quartier.

(2) L'expropriation du tiers du site au profit de l'Agence métropolitaine de transport pour y construire un centre d'entretien des trains. Même si Vincent Chiara a contesté l'expropriation pour demander une plus grande compensation financière, il n'en reste pas moins qu'une bonne partie du site conserve sa vocation ferroviaire et demeure un bien collectif.

(3) Le don d'un bâtiment pour des fins communautaires. Le fameux Bâtiment 7, revendiqué par le Collectif 7 à Nous, sera finalement donné par le propriétaire pour 1$. Le proprio a aussi accepté (après de difficiles négociations) de donner 1 million de dollars pour rénover le bâtiment. Il doit aussi décontaminer le terrain et le bâtiment.

Certains termes de l'accord ne sont pas de claires victoires

(1) Le promoteur immobilier Samcon voulait construire environ 1000 nouvelles habitations. Il était ouvert à la politique d'inclusion de logements sociaux et abordables de la ville de Montréal (soit 15% d'abordable et 15% de social). Le quartier demandait 30% de logement social et aucun condo de luxe. Finalement, l'entente stipule 25% de logement social et aucun condo de luxe. Cependant, on ne sait pas quel pourcentage sera considéré comme condo abordable selon les termes de la politique montréalaise.

Au final, donc, environ 800 condos et 225 unités de logement social. Le financement pour le logement social est acquis.

Avec cette entente, le pourcentage de logement social dans l'ensemble du quartier baissera. Cependant, il faut dire à la défense des acteurs locaux qu'il est très difficile actuellement de négocier du logement social et que la plupart des projets immobiliers montréalais montrent une proportion inférieure à la "norme volontaire" de 15%. Si on place l'entente dans le contexte montréalais, elle est assez bonne. Si on la place dans le cadre de Pointe-Saint-Charles, elle est moins bonne, quoi qu'elle soit la meilleure entente sur le logement social des dernières années.

Il y aura donc gentrification, au sens où les personnes qui achètent les condos de Samcon dans le quartier sont généralement des jeunes professionnels ou des retraités de la classe moyenne. La population traditionnelle de ce secteur du quartier est plutôt formée d'ouvriers d'origine irlandaise ou canadienne-française. Le secteur compte aussi un ensemble d'HLM où sont majoritaires des personnes de groupes ethniques minoritaires. Cependant, au contraire de ce qui se passe sur les rives du Canal de Lachine, ce ne sera pas la classe moyenne élevée ou la classe aisée qui s'y établira.

(2) Le promoteur Vincent Chiara et le Groupe Mach obtiennent les changements de zonage qu'ils voulaient pour pouvoir relancer la portion industrielle du site. Cette portion comprend encore une des loco-shop originelles (l'autre a brulé en 2008 et se situe sur la portion de terrain de l'AMT). Malgré des plaidoyers pour des activités industrielles qui n'auront que peu d'impacts sur les résidences alentours, on ne sait toujours pas quels sont les plans exacts du promoteur pour cette portion du site.

Le Bâtiment 7: enfin "7 à Nous"!

Un des éléments les plus intéressants de cet accord de développement demeure le cas du Bâtiment 7. A l'origine il devait être démoli pour faire place à des logements sociaux, qui devaient faire office de mur entre les condos classe moyenne et le site industriel. Or à partir de janvier 2009, un Collectif 7 à nous se forme et se met à revendiquer le bâtiment à des fins communautaires, artistiques et de services locaux. Les membres du collectif (le Centre social autogéré, la Fonderie Darling, la table de concertation Action-Gardien, l'architecte Mark Poddubiuk, le Club populaire des consommateurs et des citoyenNEs, appuyés par le RESO) entament une campagne pour sauver la bâtisse.

Cette lutte portera ses fruits: les instances de l'arrondissement Sud-Ouest et celles de la ville centrale se rangent aux arguments du Collectif et inclus dans l'accord de développement l'obligation de préserver le bâtiment et de le donner à des acteurs locaux.

Dès lors s'engage une négociation serrée afin d'arriver à une entente de cession du bâtiment. Parallèlement, plusieurs autres ententes bilatérales sont négociées entre le propriétaire du site et les différents promoteurs de projets (Samcon, l'AMT, les promoteurs du logement social, etc.) afin de boucler l'accord de développement.

La négociation pour la cession du bâtiment 7 a été longue et marquée par des reculs fréquents. La semaine dernière, les deux parties en arrivaient à une conclusion et, vendredi le 21 septembre, l'entente fut signée. (voir l'article reproduit ci-bas qui traite de cette signature)

Cela signifie que, dans quelques semaines, le Collectif 7 à Nous pourra entamer ses travaux d'évaluation en vue de la réhabilitation du bâtiment de 90 000 pieds carrés. La cession finale de la propriété se fera au plus tard en mars 2013.

Conclusion ou... nouveau départ?

L'approbation par le conseil de ville de Montréal de cet accord de développement n'est pas tant une conclusion qu'un nouveau départ. En effet, c'est à partir de maintenant que le site va vraiment revivre. Plusieurs années de construction s'annoncent et l'avenir reste incertain sur plusieurs points: le marché de l'habitation se resserrera-t-il? Avec toutes les constructions dans le Sud-Ouest, Samcon réussira-t-il à vendre toutes ses boites à sardine? Qu'adviendra-t-il de la portion industrielle du site? Les déclarations et les actions du propriétaire laissent envisager un pôle de réparation de "matériel roulant". Développera-t-il ces activités ou vendra-t-il le site?

La question majeure à mon avis reste celle du Bâtiment 7. Sa réhabilitation pourrait coûter 10 millions de dollars. Les activités pressenties sont des ateliers d'artistes, un centre social autogéré doté d'un café-bar et d'une salle de spectacle, une serre sur le toit et un marché public, une brasserie artisanale, peut-être des éléments de musée ferroviaire, peut-être une garderie, peut-être des services locaux à but non lucratif. Bref, un pôle d'activité productives ou culturelles. Avec la nouvelle population qui s'établira dans les alentours, comment se développeront ces projets?

Les acteurs locaux réussiront-ils à relever ce défi sans devenir une des forces de la gentrification?

Marco Silvestro
Agence de presse libre de la Pointe



Revue de presse

Pointe-Saint-Charles Community Groups Win Ownership of Bâtiment 7


By Alanah Heffez
September 24th, 2012
Spacing Montreal (source)

Last Friday, Comité 7 à nous and the Darling Foundry signed an agreement with Groupe Mach, which will give the community groups ownership of Bâtiment 7, an abandoned train shop located in the old CN yards in Pointe-Saint-Charles.

Mark Poddubiuk, an architect who sits on the 7 à nous board, was present at the meeting with Groupe Mach on Friday. He says that Group Mach, will sell the building to the two non-profits for $1. Furthermore, the developer will decontaminate the soil and hand over $1 million towards renovating and recycling the building.

Comité 7 à nous regroups representatives from several local community groups, including the Darling Foundry, Centre Social Autogéré (the group who led this ill-fated attempt to squat an abandoned candle factory in 2009), Club Populaire des Consommateurs, Regroupement Économique et social du Sud-Ouest, Table de concertation communautaire Action-Gardien, and other local citizens. Some of the projects that the community groups have proposed for the 90,000 sq-ft building are: artists studios, a community centre, a gallery and performance space, a café, a daycare, greenhouses, and more.

Vincent Chiara, director of Groupe Mach, is a fan of contemprary art. He also needed a way to make a 32-hectare residential and industrial edevelopment palatable to a community renown for it's strong activism (in 2006, the community successfully opposed plans to relocate the Montreal casino to the same site). In fact, Poddubiuk says, arriving at an agreement with the community about the use of Bâtiment 7 was one of the conditions set forth by the City in order to approve the developer's proposed zoning changes.

CN sold the decommissioned train yards to Group Mach for $1 in 2006, on the condition that the developer would assume responsibility for decontaminating the site. Plans for the site include 800 new residential units, of which about 600 would be condos. The development would extend the existing street grid, and line it with duplexes, triplexes and low-rise blocks. About a third of the site would eventually be used for locomotive or other industrial re-use. The final third of the site was expropriated for AMT train repair shops (with significant monetary compensation to the developer, despite the fact that no value had been added).

While Poddubiuk is pleased with the agreement, he points out that Bâtiment 7 is in "atrocious" condition. The train shop was built in 1924 and abandoned in 2003.

"The building is a shed," he says, "There's no heat, no electricity, no running water." He estimates that the project dreamt up by the various members of 7 à nous will cost $5-10 million. The architect suggests that a first step would be to put the money from Mach towards setting up rather rustic artists' studios, and then go from there.

Poddubiuk hopes that the community of activists who fought for years to appropriate Bâtiment 7 is ready to begin the hard work of planning, building and running a community centre.

"It's not a protest anymore," he points out. "We're now the developers."