L'obstination des « fous de la Pointe »

La lutte du Centre social autogéré enfin couronnée de succès!

Marco Silvestro
Agence de presse libre de la Pointe
archive.lapointelibertaire.org

Paru dans Le Couac,
2012, vol. 16 no. 1, p. 5.

2006: Le café La Petite Gaule à Pointe-Saint-Charles ferme ses portes. Quelques mois plus tard, l'Ékoboutique à quelques coins de rue fait de même. Partout à Montréal, les projets socio-écologiques, culturels et underground ont de la difficulté à trouver des locaux abordables.

2007: Des militantEs issues du Café la Petite Gaule et de la Pointe libertaire lancent l'idée de former un Centre social autogéré, à partir du modèle des Centri Sociali Autogestati italiens et du mouvement des squats politiques européens. Le Centre social
autogéré de Pointe-Saint-Charles commence à prendre forme.

2009: 500 personnes envahissent une usine désaffectée sur les rives du Canal-de-Lachine pour la transformer en centre social. L'usine devait être démolie pour construire des condos. Le lendemain, la police évince les squatteurs.

Qu'à cela ne tienne: le Centre social autogéré, la Fonderie Darling, la table de concertation communautaire Action-Gardien, le Club populaire des consommateurs et la Société d'histoire de Pointe-Saint-Charles mettent sur pied le Collectif 7 à Nous dont l'objectif est de réclamer le don du Bâtiment no. 7 situé sur les anciens « terrains du CN » dans la Pointe.

22 octobre 2012: Le conseil de ville de Montréal adopte en bonne et due forme l'Accord de développement des anciens terrains du CN, une entente de « re-développement » pour l'entièreté du site de 3,5 millions de pieds carrés acquis pour 1$ par le Groupe Mach en 2005, dans l'optique d'y construire le nouveau casino de Montréal.

Au coeur de cet accord multipartite se trouve un document qui officialise le don, par le Groupe Mach, du Bâtiment no. 7 à des fins communautaires. Plus précisément: le bâtiment et son terrain, décontaminés, sont donné pour 1$ et le Groupe Mach donne en plus 1 million de dollars pour rendre utilisable le bâtiment. Une donation motivée par la philanthropie? Que nenni! Il s'agit plutôt du résultat d'une lutte locale qui aura duré... plus de huit ans.1

Enfin le Centre social autogéré

Cela signifie que, dans quelques semaines, le Collectif 7 à Nous pourra entamer ses travaux d'évaluation en vue de la réhabilitation du bâtiment de 90 000 pieds carrés. La cession finale de la propriété se fera au plus tard en mars 2013.

Ainsi, cinq ans après sa naissance le Centre social autogéré gagne son pari: exproprier du capitalisme un bâtiment pour le transformer en carrefour populaire permettant autant la diffusion culturelle que l'organisation politique.

A court terme, le Centre social autogéré veut installer un café-bar et une salle de spectacle multifonctionnelle. D'autres projets sont en gestation: micro-brasserie, centre de production audio-visuelle et médiatique, ateliers polyvalents.

Cependant, le Bâtiment 7 n'appartiendra pas au Centre social autogéré. Il sera plutôt administré par le Collectif 7 à nous dans une optique d'autogestion et de (relative) complémentarité des projets. Ainsi à court terme la Fonderie Darling installera une vingtaine d'ateliers d'artistes et une partie du bâtiment, le Oil Store, sera transformée en salle multifonctionnelle d'envergure. Le Club populaire des consommateurs travaille à l'installation d'une serre et à des marchés publics. D'autres projets sont envisagés: musée ferroviaire, centre de la petite enfance, etc.
Les premiers projets pourront débuter en 2013, mais l'échéancier précis n'est pas encore déterminé. Le bâtiment nécessite des travaux de rénovation majeurs avant d'être pleinement fonctionnel. Actuellement, à cause de la négligence du propriétaire actuel, il n'est qu'une coquille vide industrielle.

De l'autogestion en 2012?

À l'ère du capitalisme individualiste, prédateur et hiérarchique, un ensemble d'acteurs d'un « quartier défavorisé » - ceux-là même qu'on appelait les immobilistes en 2005 parce qu'ils s'opposaient au déménagement du Casino de Montréal – sont en train de remettre à l'ordre du jour le thème de l'autogestion. Le Bâtiment 7 sera un pôle administré collégialement par un ensemble de projets sans but lucratif. Une petite fédération constituée de projets aux racines différentes, mais qui regardent vers le même horizon: le développement d'une communauté locale forte, autogérée et politiquement active.

Une des particularités du projet « 7 à Nous » réside en effet dans son caractère politique: l'affirmation de la capacité locale à s'auto-constituer en dehors (ou plutôt en marge) du capitalisme. Le Bâtiment 7 sera un véritable pavé dans la mare, la preuve vibrante de la possibilité de s'organiser autrement sur les plans politiques et économiques.

Bien sûr, la route est longue et ardue. Après des années de lutte, les militantEs locaux ne sont pas au bout de leurs peines. Si la lutte politique semble derrière eux, tout un défi les attend dans la réhabilitation des lieux. Cela pourrait coûter des millions et prendre des années pour que le bâtiment exploite son plein potentiel.

Dès maintenant le Centre social autogéré passe donc à une autre étape. A partir de la philosophie du do-it-yourself, ses membres commencent à élaborer le café-bar et la salle de spectacle, avec l'espoir de fournir bientôt un lieu stable, accessible et invitant pour la communauté anti-autoritaire de Montréal.

Ça vous interpelle? Ça vous intéresse? Contactez-nous!

Plus d'information
Centre social autogéré: www.centresocialautogere.org
info@centresocialautogere.org
Les Ateliers 7 à Nous: www.ateliers7anous.org
Fonderie Darling: http://www.fonderiedarling.org