Analyse critique du rapport financier de l'arrondissement Sud-Ouest...

...quartiers : Pointe St-Charles, Petite-Bourgogne, St-Henri, Ville Émard, Côte St-Paul

Avertissement
Notre analyse du rapport de la mairesse Jacqueline Montpetit ne se veut pas objective. À travers celle-ci, nous affirmons des prises de position politique. Celles-ci sont, bien sûr, ouvertes à la discussion. Nous croyons que les fonds publics appartiennent à la collectivité et que nous citoyens et citoyennes avons un droit de regard sur l'utilisation de ces fonds. Autrement nous ne resterons que des spectateurs de la démocratie.

Nous croyons aussi que pour avoir un véritable droit de regard, il faut des mécanismes démocratiques qui nous permettent d'intervenir, de questionner, d'influencer et à terme de prendre des décisions sur les enjeux qui nous concernent. Selon nous, ceci n'est pas le cas actuellement. En publiant cette critique, nous tentons de contribuer, bien modestement, à la démocratisation du processus budgétaire.

Préambule:
Avant de commencer notre analyse il convient de dire que selon les documents de l'arrondissement, le budget 2005 se compose de 2 parties principales:
 Le budget de fonctionnement pour les services de base: 45.5 millions$
 Le budget d'immobilisation: 5.5 millions$

Pour un total de plus de 51 millions$ pour l'année 2005.

Une information bien mince

Certains et certaines pourraient croire qu'on peut comprendre les enjeux qui se dégagent en participant à la présentation budgétaire faite à l'Arrondissement Sud-Ouest ! C'est loin d'être évident. En effet et de toute évidence peu d'informations sont fournies aux citoyens-nes. Et celles qui sont fournies sont présentées dans un langage inaccessible à ceux et celles qui ne sont pas familiers avec le langage bureaucratique. À titre d'exemple, qui peut faire une différence entre le budget de fonctionnement et le programme d'immobilisation ?

Il en va de même pour la présentation qu'en a faite la mairesse Jacqueline Montpetit le 21 septembre dernier, présentation reproduite dans la Voix populaire. Il est quasi impossible de saisir certains choix politiques importants de ce budget. De plus, il est impossible de repérer à travers ce budget s'il y a des perspectives d'avenir pour l'amélioration des conditions de vie dans les quartiers du Sud-Ouest.

Ce secret qui entoure le budget

Le budget du conseil d'arrondissement est fabriquer dans le secret le plus total. Il en va de même pour le fonctionnement courant au conseil d'arrondissement, des ordres du jour rendu public à la dernière minute, du suivi des dossiers et des procès verbaux qui ne permettent aucunement de comprendre.
Pourtant le budget ne se résume pas à quelques colonnes de chiffres ! Il n'y a rien de neutre dans un budget. Le choix que font les éluEs de dépenser sont le résultat des rapports de pouvoir. Les différents acteurs qui agissent au sein et sur l'Arrondissement (fonctionnaires, éluEs, promoteurs, groupes communautaires, etc.) font valoir leurs intérêts et gagnent ou perdent selon le rapport de force. Mais les acteurs les plus importants, les citoyens et les citoyennes, ceux et celles qui fournissent le budget collectif, sont généralement absentEs des processus qui mènent à l'élaboration du budget.

Au-delà des chiffres, le budget traduit des orientations politiques. Par exemple; Quelles sommes vont pour soutenir les projets de condo par rapport aux besoins en logement social de la population à faible et moyen revenu ? Étant donné l'absence d'indication le rapport de la Mairesse cache assurément des choix politiques. Quels sont-ils ?

Points saillants 2003 et 2004

 Le refoulement des factures:

Ce qui nous frappe le plus dans ce rapport est le fait que la ville centrale envoi des factures non prévu à l'arrondissement. Ces décisions sont prises par le comité exécutif de la ville et donc elles ne sont même pas débattues sur le parquet de l'Hôtel de ville.

L'arrondissement est obligé de payer sans nécessairement en avoir les ressources. Ce transfert de factures vers le niveau politique du dessous est un fonctionnement bien typique de la hiérarchie du système politique dans lequel nous vivons. Le gouvernement fédéral le fait avec les provinces et celles-ci avec les municipalités. Les éluEs de l'arrondissement clament qu'il s'agit d'une manœuvre qui mine l'autonomie de l'arrondissement. La dessus, nous sommes d'accord.

 Le budget neige

Dans son rapport la mairesse se plaint que "le calcul de l'enveloppe réservée au déneigement par les arrondissements de l'ex-Montréal est basé sur l'hypothèse de 180 cm de neige alors que dans le reste de la ville cette hypothèse est de plus de 200 cm". Nous comprenons donc qu'il est tombé plus de 180 cm (on ne sait pas combien ?), et que l'arrondissement a dû débourser 600,000$ de plus en 2003. Cette critique ne fait même pas partie de la liste des revendications du rapport de l'arrondissement qui s'adresse à la ville.
Nous imaginons que, par souci d'équilibre budgétaire, l'arrondissement a pigé dans d'autres postes budgétaires pour couvrir les frais. Quels sont les postes qu'on a coupé ? On ne le dit pas.

 Les immobilisations, qu'en est-il ?
Le rapport de la mairesse ne fait aucune définition minimum de ce qu'est le Programme triennal d'immobilisation.
Le rapport mentionne que l'arrondissement a investit 9.6 millions$ des 11.6 millions$ prévu pour 2003. De cette somme 5.1 millions$ venaient de sources tel que le Programme de renouveau urbain (aucune explication sur ce programme) et les projets structurants (qu'est-ce qu'un projet structurant ?) (qui paye ? Québec, la ville centrale ?).

Même absence d'éclaircissement pour 2004 où 12.5 millions$ ont été dépensés, dont 6 millions$ provenaient de divers programmes de financement.

En lisant les prévisions triennales de 2005, 2006 et 2007 on se rend compte qu'il n'est prévu que 5.5 millions$ par année. Mais encore là aucun commentaire sur ces écarts importants par rapport aux autres années ne nous est fournie.

Points saillants 2005

Notre critique se résume en trois points:

1. Nous notons que le rapport de la mairesse juge de manière très dure le manque de fonds octroyé à l'arrondissement ainsi que sur les nouvelles factures qui viennent de la ville centrale.

À ce sujet:

- Les éluEs demandent des changements à la loi 33 mais sans préciser lesquels, ce qui ne nous permet pas de saisir les enjeux autour ce cette loi;

- Les éluEs ne remettent pas en cause le pouvoir décisionnel du comité exécutif de la ville. Cautionnent-ils ce pouvoir et cette façon de faire ?

- Les éluEs annoncent "des actions vigoureuses" (souligner en noir dans le rapport de la mairesse) qui se résument semble-t-il à des demandes écrites. Ce qui n'a rien de bien vigoureux à nos yeux.

- Le rapport ne fait pas mention des tensions politiques liées à ces factures. Les 3 éluEs appartiennent au parti Vision Montréal de Pierre Bourque alors que l'administration Tremblay au pouvoir à la ville est d'une autre formation politique:

- Quelles sont les positions partisanes que recèle ce rapport ? La question nous semble pertinente lorsqu'on sait que les éluEs du Sud-Ouest ont été absents et ont boycotté le sommet de Montréal organisé par le maire en 2002 alors que plus de 150 citoyens et citoyennes du Sud-Ouest y ont participé.

2. Un manque flagrant de vision politique sur le présent et l'avenir de l'arrondissement;

En examinant très minutieusement le rapport nous pensons avoir découvert le projet fondamental des éluEs du Sud-Ouest. Voici ce qu'ils écrivent:

"Il est clair que le maintien des services de base constituera un défi pour l'arrondissement Sud-Ouest en 2005. Ce défi, nous entendons bien le relever, car les services directs à la population demeurent notre priorité".

Objectif noble nous en convenons ! Et lorsqu'on parle des services directs à la population on réfère inévitablement au budget de fonctionnement pour les services de base de 45.5 millions$. Or, toutes les réalisations mentionnées dans le rapport de la mairesse ne font référence qu'au budget d'immobilisation. Quelle projection fait donc la mairesse de l'utilisation de ces 45.5 millions$ ?

Peut-on nous permettre quelques doutes avec les exemples suivants de l'année 2004 ?

 Durant les mois d'août, septembre et octobre l'entretien des rues de Pointe St-Charles s'est faite une fois par semaine au lieu des 2 fois prévues (durant la semaine du 23 août aucun nettoyage n'a été effectué);

 Les éluEs ont sabré 35,000$ dans le budget du soutien aux tables communautaires (service de base) vers un projet d'intervention urbaine qu'ils ont obtenu via un programme spécial de la ville.

Ce ne sont que quelques constats observés de l'extérieur. Comment est-ce que l'arrondissement dépensera ces 45.5 millions$ ? En l'absence de mécanismes démocratiques;

- Ce grand défi des éluEs ne peut pas être évalué par la population en l'absence d'informations crédibles;
- Ce grand défi des éluEs apparaît donc comme un projet sans aucune consistance.

Pourtant, nous pouvons repérer quelques préoccupations urbaines ici et là. Mais ces préoccupations mentionnées dans le rapport ne sont liées à aucune vision sociale globale. Par exemple dans le domaine de la sécurité publique:

1) Les éluEs ont dépensé 250,000$ pour effacer les graffitis. C'était pour les éluEs un projet prioritaire;
- Alors qu'on ne dit rien sur les sommes consacrées aux problèmes liés à la prostitution de rue;
- Alors que le projet Alexandra (intervention auprès des jeunes sur les enjeux de la violence et de l'éducation et projet essentiel et prioritaire pour la Coalition communautaire Action-Gardien de Pointe St-Charles) a été dans les faits abandonné par l'arrondissement par le manque d'efforts.
2) Les éluEs ont supporté un projet pilote de médiation urbaine dans la Petite-Bourgogne;
- Mais il n'y a aucune autre information sur cet enjeu de sécurité urbaine;

Le rapport de la mairesse mentionne que .

 De la façon dont c'est écrit nous pensons que les éluEs établissent un lien dangereux entre la présence des logements sociaux et les problèmes socio-économiques. La question ? Est-ce que les logements sociaux aident à régler les problèmes socio-économiques ou s'ils ont tendance à les perpétuer comme certains semblent le croire ?

 Autre question. Que font les éluEs du Sud-Ouest pour régler les graves problèmes de détérioration des HLM, et donc de la qualité de vie, dans le Sud-Ouest ? On ne le dit pas. Pourtant, ça touche beaucoup de personnes âgées dont on dit avoir une grande préoccupation.

Il est aussi écrit que . Mais, encore là, rien ne transparaît quant aux solutions à apporter.

 Que fait-on pour améliorer les services ?
 Les bibliothèques peuvent-elles acquérir plus de livres pour les usagerÈs ?
 Les services des bibliothèques dans les écoles et ceux de l'arrondissement sont-ils complémentaires ?
 Y-a-t-il des manques dans les services de loisirs ?

3. Un rapport qui cache une vision politique non affichée.

Les éluEs actuelEs dans le Sud-Ouest expriment très rarement les idées qu'ils-elles défendent. Un rapport public nous permet de porter un jugement sur ce qui est écrit. Voilà pourquoi ce rapport de la mairesse est important.

L'arrondissement Sud-Ouest, est une collectivité qui regroupe 5 quartiers différents: (Petite-Bourgogne, Côte St-Paul, Ville Émard, St-Henri et Pointe St-Charles).

Nous sommes reliés à une ville, une région, une nation où les enjeux de la mondialisation sont présents et nous confrontent à tous les jours. Nos droits sont de moins en moins assurés, l'environnement toujours plus malmené, les emplois précaires, etc.

Nous avons besoin d'une vision politique globale pour notre arrondissement. Ainsi, pourrait-on demander à nos éluEs, à partir du rapport qu'ils viennent d'adopter à l'unanimité, quelle est leur vision d'avenir (et oui le budget 2005 c'est l'avenir) ?

Quelle est leur vision du développement ?

 Ont-il-elles une vision quant au développement écologique des quartiers du Sud-Ouest et si oui ont-ils-elles des projets et des moyens concrets à mettre en œuvre ?
 Ont-ils-elles une vision pour contrer la pauvreté ?
 Compte-il-elles ouvrir les débats et les décisions aux citoyens-nes ?
 Quelle est la position des éluEs du Sud-Ouest sur les enjeux de développement du CN à l'Est du quartier Pointe St-Charles ?

Pourquoi nos éluEs demeurent-il-elles au mieux vagues, au pire silencieux sur ces enjeux d'importance ?

Malheureusement, nous croyons que ce type de sujets est tout à fait secondaire pour les éluEs du Sud-Ouest. C'est vrai que nos éluEs diront en cœur être d'accord avec le développement durable. Mais dans les faits cela ne se traduit pas dans des intentions écrites ni dans les priorités budgétaires 2005.

Nous devons conclure que les intentions contenues dans le rapport de la mairesse et appuyer à l'unanimité par les autres éluEs ne sont que du vent ou de la poudre aux yeux.

Absence d'information = désinformation

Dans son rapport la mairesse s'offusque que le journal La Presse ait fait de la désinformation quant à la dotation budgétaire pour le Sud-Ouest. Une guerre de chiffres entre le comité exécutif de la ville et l'arrondissement. Donnons-lui raison. Mais nous renvoyons la balle à la mairesse. Son rapport manque de clarté… ne s'agit-il pas d'une autre forme de désinformation ?

L'absence d'information est quant à nous une forme de désinformation pure et simple.

Le contexte démocratique

Pour terminer nous voulons faire part du climat qui règne au conseil d'arrondissement. En effet, la mairesse Jacqueline Montpetit adopte régulièrement une attitude tout à fait rigide lors de la période de question du public. Elle a la propension à ne pas répondre ou à évacuer les questions plus politiques des citoyens-nes. Ce comportement dénote un mépris, à tout le moins inconscient, envers les citoyens-nes qui veulent exercer leur droit démocratique de questionner l'administration publique. La mairesse agit de façon autoritaire comme si l'arrondissement lui appartenait.

De plus, les autres éluEs du Sud-Ouest nous semblent tout a fait complaisant avec ce fonctionnement. Tout ça révèle une fermeture à toute forme de démocratie locale qui impliquerait une participation plus vivante des citoyens-NEs à l'arrondissement.

Nous sommes des citoyens et des citoyennes qui ne veulent plus se laisser faire. Si nos arguments vous font vibrer, vous donne envie de poser des questions, de débattre de décider sur les enjeux qui vous affectent, contactez-nous.

Marcel Sévigny et Anna Kruzynski
Octobre 2004