Les fréquentations immobilières du propriétaire du Nordelec.

Par Marcel Sévigny, 23 octobre 2007.

Pointe-Saint-Charles/Berlin même combat ?

Des nombreuse organisations européennes pour la défense du droit au logement de plusieurs pays ont lancé une vaste campagne internationale contre un nouveau phénomène lié à la spéculation immobilière dans les grandes villes du monde (voir http://campaignblog.habitants.de/bienvenue).

En effet, c'est à l'occasion des manifestations qui ont regroupé entre 50 000 et 80 000 personnes lors de la réunion du G8 en Allemagne en juin 2007 que des militantEs de plusieurs pays, qui luttent pour le droit au logement, ont résolu de lancer une campagne internationale contre les Real Estate Investment Trusts (REIT).

Ces REITs constituent une nouvelle façon de faire des "passes-passes" financières permettant à des grandes entreprises immobilières d'aller de l'avant avec de grands projets de développement immobiliers sans payer de taxes ni d'impôts aux pouvoirs publics. Pour ce faire les REITs vendent des parts à de petits investisseurs qui eux auront à payer les taxes . Il semble que la marge de profit soit à la hausse avec l'utilisation de tels trusts qui bien souvent se servent de chartes charitables pour éviter les impôts.

Depuis plusieurs années maintenant dans les grandes villes du monde, la pression causée par l'action immobilière accélère l'éviction des populations à faible revenus, soutiennent la privatisation d'ensemble de logements sociaux, achète pour démolir, des complexes importants de logements abordables pour y reconstruire sur les mêmes terrains des projets de luxe pour en augmenter la rentabilité, etc. Les REITs viennent renforcer ces tendances dans la concurrence et la guerre que se livrent les villes inscrites sur le tableau des agences de cotation.

On peut croire que cette concertation internationale pour lutter contre ce "nouveau" pouvoir immobilier international est le produit des tensions de plus en plus dures qui s'observent dans les centres des villes dites internationales au dépend des populations vulnérables. Cette course au profit maximum est en voie de consolider les centres-villes et les espaces urbains recherchés avec les meilleurs services, etc., au profit des promoteurs et des secteurs de la population capables de se payer les zones de confort urbaines bien placées. En une phrase, la création de larges ghettos de riches populations soutenant l'image de la mondialisation économique est en passe de monopoliser les centres-villes et les territoires urbains rentabilisables au maximum.

Pointe-Saint-Charles dans la mire

Et oui, lorsque nous disions à la Pointe Libertaire que les grands promoteurs immobiliers n'ont pas de frontières depuis très longtemps et qu'il serait pertinent de nous intéresser à la solidarité internationale comme moyen de combattre la dictature de ce capitalisme immobilier, nous ne rêvions pas. En effet, très près de chez nous, en fait dans notre cour, EL AD, le proprio du Nordelec, a lui aussi trouvé que les REITs pouvait lui apporter du fric, en plus de pouvoir compter sur un pouvoir politique plutôt sympathique à ses intérêts.

En effet, qui a bien lu et interprété les objectifs du "Imaginer – Réaliser Montréal 2025" du maire Tremblay, dont celui de faire de Montréal une des villes les plus performantes en Amérique du Nord en accélérant la croissance économique, doit se rendre compte que Montréal participe bel et bien à cette course effrénée au développement et à l'agrandissement du centre-ville. D'ailleurs, le maire de l'arrondissement Ville-Marie (centre-ville), Benoit Labonté, en démissionnant de l'équipe du maire Tremblay le 17 septembre dernier, lui a justement reproché son manque de leadership et notamment de ne pas avoir soutenu suffisamment et assez rapidement le projet de déménagement du casino à Pointe-Saint-Charles, projet qui a échoué grâce à la combativité populaire sur le terrain. Benoit Labonté, ancien président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, sent que Montréal perd du terrain dans la course et souhaiterait bien accélérer le pas. C'est pourquoi on le verra sûrement tenter de succéder au maire Tremblay en 2009.

Par l'effet du hasard qui n'en est pas un, nous apprenons par un article du Globe & Mail de Toronto que la compagnie EL AD, propriétaire et promoteur du projet Nordelec, projet inscrit dans le Montréal 2025 et entreprise immobilière qui possède près de 20 000 logements en Ontario et au Québec, s'est lancé dans un tel type de financement de ses projets immobiliers . Il est donc alors possible de croire que ce soit de petits investisseurs qui financent au moins en partie le projet Nordelec dans notre quartier de Pointe-Saint-Charles. La solidarité internationale entre les grands financiers et les pouvoirs néo-libéraux semblent être plus facile à réaliser que celle dans les mouvements sociaux. Voilà probablement une raison supplémentaire pour ne pas accueillir à bras ouvert le projet Nordelec dans notre quartier et peut-être de s'en méfier un peu plus. C'est ce que la Pointe libertaire compte faire.

Pour revenir à cette campagne internationale au niveau du logement, campagne prévue à l'échelle mondiale pour 2007-2008, elle s'avère peut-être des plus pertinentes en raison des ravages que provoquent nos investisseurs immobiliers pendant que les gouvernements se relancent la balle et refusent presque systématiquement de s'engager dans le financement de logements sociaux. C'est en tout cas la situation qu'a pu observer le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit au logement, Miloon Kothari. Selon les principaux groupes québécois qui défendent le droit au logement "à la fin d'une tournée de 2 semaines qui l'a mené dans plusieurs villes canadiennes dont Montréal, M. Kothari s'est dit « perturbé » et choqué par les « effets profonds et dévastateurs de la crise du logement » .

Voilà une occasion supplémentaire, cette visite de l'ONU à Montréal, pour nous questionner sur ces intérêts financiers qui sont au cœur des projets immobiliers et qui façonnent à leur manière et dans leurs seuls intérêts financiers, l'avenir de nos communautés, pendant que des centaines, sinon des milliers de ménages vivent dans des situations intenables. La Pointe Libertaire croit qu'il y a un lien direct entre la privatisation toujours plus grande de l'habitation et de la crise que vivent les populations, surtout celles qui subissent le plus de pression, celles habitants dans ou près des centres-ville.

Arrêtons de traiter les grands promoteurs immobiliers comme des partenaires potentiels du renouveau de nos quartiers. Ils sont là pour faire de l'argent et s'il leur faut perturber les communautés locales pour réaliser leurs objectifs, ils le feront sans aucune gêne. Il faut dire au promoteur EL AD qu'il n'est pas le bienvenue et ouvrir des solidarités dans la résistance jusqu'à Berlin s'il le faut.

Marcel Sévigny
25 octobre 2007