908 jours dans une église ::: Trop, c'est trop!

Montréal, le 27 juin 2008 - « 900, c'est beaucoup, c'est un nombre impressionnant ». Voilà ce qu'a dit Abdelkader Belaouni, à la veille de la journée internationale des réfugiés. M. Belaouni - Kader pour les intimes - est confiné à l'Église St-Gabriel de Pointe-St-Charles depuis 908 jours.

La route qui a mené Kader jusqu'à cette église a été longue et ardue et a débuté il y a presque douze ans, quand Kader a fui la guerre civile algérienne. En tant que personne aveugle, il était particulièrement vulnérable face aux violences qui ont tué des centaines de milliers de personnes et forcé plusieurs milliers d'autres à prendre asile dans des pays plus calmes. Ayant en bout de ligne été refusé en tant que réfugié par le Canada, Kader a tenté d'obtenir la résidence permanente pour des motifs humanitaires. On lui a dit que le fait qu'il n'était pas marié et qu'il n'avait pas d'emploi rendait impossible son acceptation par le Canada.

Cette décision ne tenait aucunement compte de son important réseau d'ami-es, de ses liens étroits dans le quartier Pointe-St-Charles, des obstacles importants auxquels il faisait face dans la recherche d'un travail salarié, des heures de bénévolat qu'il a effectuées et du fait que ça fait plus de dix ans qu'il ne vit pas en Algérie. Peu importe, il allait être renvoyé « chez lui ».

La décision de Kader de publiquement refuser de respecter l'ordre de déportation injuste lui a rapidement valu énormément de soutien de la part d'organismes et d'individus à Montréal, au Québec, au Canada et même au niveau international. Le refus de Kader est devenu le symbole de la lutte des immigrants et immigrantes qui demandent à être traités avec respect et dignité, plutôt que comme de simples commodités.

Kader a réuni autour de lui un impressionnant réseau de soutien. Autour de lui, des ami-es et des gens du quartier le visitent à tous les jours, lui apportent de la nourriture et passent du temps avec lui. Kader n'attend pas plus passivement que les jours passent: il a fait de l'attitude discriminatoire d'Immigration Canada un défi personnel à surmonter. Il a appris à se servir d'un ordinateur, a pris des cours de piano, de guitare et de flûte à bec, a produit un disque avec un artiste hip-hop montréalais (voir le lien sur le site Internet de Kader) et est l'hôte d'une émission de radio mensuelle en direct de l'église. Il est également devenu un confident de choix, offrant du support moral et une oreille attentive à plusieurs personnes.

Malgré cela, les 900 jours de captivité ont laissé leur trace

« Sa résilience est impressionnante », a dit David Woodbury, un membre du Réseau d'intervention auprès des personnes ayant subi la violence organisée (RIVO) qui est un organisme basé à Montréal. « Mais il souffre souvent d'épisodes de dépression; son état se fragilise. Je dirais qu'il réagit normalement à une situation très anormale et extrêmement difficile. » Woodbury, un psychothérapeute qui connaît Kader depuis deux ans a averti que malgré toute la force et toute « l'énergie positive » de Kader, le stress accumulé auquel il est sujet aura des conséquences à long terme sur la santé de Kader, si la situation ne change pas bientôt.

Woodbury a précisé qu'il s'attend à ce que Kader « rebondisse » facilement s'il obtient un statut et quitte l'église rapidement, mais que cela deviendra extrêmement difficile au fur et à mesure que le temps passe.

Le médecin de Kader, Marie Munoz, partage les préoccupations de M. Woodbury. « Il s'agit d'une urgence humanitaire », a-t-elle déclaré. Dre Munoz s'inquiète des impacts à long terme de la situation sur le diabète de Kader, une maladie difficile à traiter correctement dans le contexte du sanctuaire à l'église.

Dans une lettre envoyé au Ministre de l'Immigration et rendue publique la semaine dernière, Munoz a décrit deux urgences médicales vécues par Kader durant son séjour à l'église, dont une a nécessité le retrait d'urgence d'un tube de plastique qui sortait de son oeil. L'opération a eu lieu sur un divan dans du presbytère de l'église, dans des conditions que Munoz qualifie de « bien moins qu'optimales ».

La lettre, co-signée par quatre travailleurs et travailleuses de la santé, en arrive à la conclusion suivante: « L'état de santé de M. Belaouni s'est détérioré depuis qu'il est sanctuaire, c'est-à-dire depuis plus de deux ans. Pour des raisons tant médicales que humanitaires, cette situation intenable doit cesser. Il n'a pas encore complètement perdu espoir, mais les circonstances actuelles lui causent des souffrances excessives et les autorités sont en mesure de remédier à ces souffrances ».

« Neuf cent jours! J'ai essayé de compter le nombre d'heures hier... Je ne veut pas rester ici cent jours de plus, c'est beaucoup trop », a dit Kader. « Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ce traitement? Si la Ministre de l'Immigration Diane Finley était dans mes souliers, je ne lui ferai pas subir ce que je vis pendant même dix jours! Pourquoi est-ce qu'elle ne peut pas faire quelque chose de bien pour moi et m'accorder un statut? Tout ce que je lui demande c'est qu'elle revoie elle-même mon dossier. »

::: REVUE DE PRESSE :::

** Émission de radio « The Current » sur la chaîne anglophone de
Radio-Canada:
(vers la fin de la deuxième partie, quelques nouvelles de Kader)

** Nouvelles CBC/Reportage sur Kader: 19 Juin 2008, quatrième item

** Pour plus d'information: www.soutienpourkader.net
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Comité de soutien d'Abdelkader Belaouni
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