Présentation du quartier Pointe-Saint-Charles


Sans prétendre que le mouvement social de Pointe-Saint-Charles a fait à lui seul l’histoire du quartier au cours des 35 dernières années, nous pouvons cependant affirmer qu’on lui doit l'essentiel de ce qui a permis de canaliser la résistance à la dégradation des conditions de vie de la population et la mise sur pied de nouveaux modes sociaux et politiques d'action. Cette particularité a eu des conséquences non négligeables sur la transformation du quartier depuis la fin des années 1960.

Pointe-Saint-Charles est un ancien quartier ouvrier situé dans le Sud-Ouest de la ville de Montréal. Sa population n’est plus aujourd’hui que d’environ 13 500 personnes, stabilisée depuis 15 ans et même en légère augmentation, alors qu'elle a atteint le nombre de 35 000 durant la période industrielle la plus prospère. Près de 50% des ménages disposent d'un revenu qui se situe à la limite ou au-dessous du niveau des besoins essentiels. Le pourcentage de la population recevant des prestations d'aide sociale était de 46% en 1995 elle est de 42 % aujourd’hui. Le français est la langue maternelle de 58% des résidants, l'anglais est celle de près de 28% tandis que les autres langues sont utilisées par plus ou moins 14% des gens. Phénomène remarquable résultant en bonne partie des luttes sociales, Pointe-Saint-Charles compte plus de 2 500 logements sociaux (HLM, organismes sans but lucratif et coopératives) sur les 5 800 unités du quartier, soit la plus forte concentration au Canada sur un territoire semblable.

Le sort économique de Pointe-Saint-Charles a été cousu à ce qui était le coeur industriel du Canada jusqu’aux années 1960. Après l’ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent en 1959, ce qui a permis aux navires marchands d’atteindre les Grands Lacs, c’est-à-dire le centre économique névralgique de l’Amérique du Nord, l’activité industrielle s’est déplacée de plus en plus vite vers la province d’Ontario, ce qui a entraîné le dépérissement rapide des quartiers du Sud-Ouest de Montréal, comme Pointe-Saint-Charles, dépérissement qui fut dramatique, particulièrement pour la population ouvrière.

C’est d’ailleurs la détérioration des conditions de vie consécutive à cette mutation qui a provoqué dans Pointe-Saint-Charles, dans les quartiers voisins de la Petite-Bourgogne et celui de Saint-Henri, l’apparition des premiers comités de citoyens, dès le milieu des années 1960. Ceux-ci se sont mis à intervenir en particulier sur les conditions de vie du milieu (santé, transport, logement, etc.). C’est précisément la naissance de cette nouvelle dynamique sociale dans le Sud-Ouest de Montréal qui a servi de base au mouvement populaire et communautaire naissant et qui a favorisé l’émergence d’expériences de formes d’organisation originales, à la fin des années 1960 et au début des années 1970.
À titre d’exemple, la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, une des premières cliniques médicales populaires à voir le jour à Montréal, est à l’origine de l’implantation du réseau des Centres locaux de services communautaires (CLSC) du gouvernement provincial, dans tout le Québec. Après plusieurs années de résistance, plusieurs autres cliniques du même genre ont fini par être remplacées par des CLSC étatisés. La Clinique de Pointe-Saint-Charles a résisté farouchement à trois tentatives d’intégration complète dans le réseau de l’État. Signalons que deux de ces tentatives ont été faites par les sociaux-démocrates du Parti québécois au pouvoir. La clinique est financée par l’État, mais elle est entièrement gérée par les citoyens du quartier.
Il en est de même pour les Services juridiques communautaires installés dans le quartier, la première clinique juridique populaire au Québec, qui a servi de modèle pour la création du réseau public des bureaux d’aide juridique dans tout le Québec.

Autre innovation dans le quartier, la toute première coopérative d’habitation autogérée (Loge-peuple) au Québec a vu le jour à Pointe-Saint-Charles, en 1971. Bien qu’elle ait disparu après quelques années d’une existence difficile, elle a néanmoins servi d’inspiration dans le quartier, à Montréal et au Québec. En 2005, Pointe-Saint-Charles regroupait la plus grande concentration de coopératives structurellement autogérées et à but non lucratif dans un même quartier: plus de 50 coopératives et plus de 1 200 logements habités en majorité par des ménages à faible revenu.
En 1984, la première Corporation de développement économique et communautaire de Montréal a été fondée à Pointe-Saint-Charles. Le Programme économique Pointe-Saint-Charles (PEP), entièrement composé de groupes communautaires du quartier.

Après plus de 35 ans, le mouvement populaire et communautaire de Pointe-Saint-Charles demeure une réalité incontournable du quartier. Malgré toutes ses difficultés -- la disparition de groupes, les nouvelles initiatives, des tensions et des luttes politiques, surtout à l’époque où les groupes politiques de tendance marxiste-léniniste étaient florissants (1976-1981), le mouvement social local continue toujours à défendre le droit des citoyens du quartier à de meilleures conditions de vie.
Ainsi, que ce soit à l’échelon de la province ou dans la communauté montréalaise, le mouvement social de Pointe-Saint-Charles demeure à maints égards un point de référence pour les mouvements sociaux engagés dans la critique de la société. Il continue à être un foyer de contestation, de revendications, d’organisation sociale et politique qui cherche à trouver des solutions progressistes aux problèmes sociaux.

Une grande partie des organisations populaires et communautaires du quartier se sont regroupées depuis 1981 pour former la Table de concertation Action-Gardien de Pointe-Saint-Charles. Lieu de concertation, la Coalition coordonne à l'occasion des actions entreprises par ses membres. La dernière grande bataille qui s’est récemment conclu en mars 2006 par une impressionnante victoire contre l’implantation d’un casino.