Le Groupe Mach négocie-t-il de bonne foi?


Bisbille et blocages dans le redéveloppement du site des anciens ateliers du CN:




La conclusion d'un accord de développement, initialement prévue pour septembre, est compromise selon le maire de l'arrondissement Sud-Ouest, qui vise maintenant l'échéance de décembre. Une première rencontre de toutes les parties intéressées aura lieu mardi le 28 septembre pour tenter d'aplanir les différents. Mais le Groupe Mach a multiplié les manoeuvres dilatoires depuis plusieurs mois et refuse de répondre aux demandes locales, incluant celles des représentant.e.s politiques.

Agence de presse libre de la Pointe – 22 septembre 2010. Quelques semaines après avoir pris le pouvoir à la mairie de l'arrondissement Sud-Ouest, le maire Benoît Dorais (Vision Montréal) affirmait avec confiance pouvoir conclure un accord de développement avant septembre 2010 pour lancer le redéveloppement du site des anciens ateliers ferroviaires du CN à Pointe-Saint-Charles. Ce dossier très controversé est ouvert depuis 2005. Lors de la dernière séance du conseil d'arrondissement (7 juillet) avant les vacances estivales, le maire a dû déchanter et avouer que ce ne sera pas le cas. La nouvelle échéance serait maintenant la fin décembre.

Dans ce dossier, plusieurs faits laissent entendre que le Groupe Mach ne met pas beaucoup de bonne volonté dans les négociations.

En premier lieu, le Groupe Mach a tenté de contester juridiquement la mise en réserve foncière (basée sur la Loi sur l'expropriation) décrétée par le gouvernement du Québec sur la portion nord du site. Cette procédure visait à permettre à l'Agence métropolitaine de transport (AMT) d'acquérir la portion du terrain pour y implanter un centre d'entretien de ses locomotives. Alors que l'ensemble des 3,5 millions de p2 du terrain furent achetés pour 1$ en juin 2006*, la portion visée pour expropriation (près de la moitié du total) va quand même vraisemblablement rapporter 10 M$ au propriétaire et président du Groupe Mach, Vincent Chiara. Malgré cela, M. Chiara contestait la réserve foncière devant la Cour Supérieure affirmant dans une requête qu'elle ne serait qu'un motif pour le forcer à vendre le terrain et que l'AMT n'a pas de réel projet adapté à ce site (pour plus de détails consulter Bruno Bisson, “Terrains du CN: la mise en réserve contestée”, La Presse, 13 décembre 2008.)

*L'offre d'achat du terrain fut acceptée par le CN en décembre 2004, mais des procédures judiciaires ont empêché la conclusion de la vente jusqu'en juin 2006. L'offre d'achat à 1$ comprend l'obligation de décontaminer les sols si l'usage ferroviaire n'est pas maintenu, décontamination estimée alors à une douzaine de millions de dollars.

Le Groupe Mach a quand même négocié avec l'AMT, lui proposant un bail emphytéotique de 50 ans pour 20 M$, mais l'AMT désire être propriétaire. Une entente de gré à gré fut ainsi impossible et le gouvernement québécois a donc publié un décret d'expropriation pour le terrain en avril 2009, offrant 10 M$ en dédommagement au propriétaire, ce qui est quand même 10 millions de fois supérieur à la somme payée pour l'ensemble des terrains en 2004. Mais M. Chiara a refusé, se sentant lésé car cela ne correspond pas à la valeur marchande du terrain... Il entendait contester aussi ce décret (voir à ce sujet Jeanne Corriveau, “10 millions pour un terrain payé 1$ en 2006”, Le Devoir, 8 mai 2009.)

Depuis lors, nous avons appris que la Cour Supérieure a refusé d'entendre la requête de contestation de la réserve foncière. Quand à la contestation du décret d'expropriation, nous ne savons pas si M. Chiara a procédé. Nous avons aussi appris que, dernièrement, le Groupe Mach aurait réussi à s'entendre de gré à gré avec l'AMT. Nous ne connaissons pas les termes de l'entente, mais nous ne pouvons douter que le propriétaire des lieux a défendu ses intérêts financiers et qu'il obtiendra au moins 10 millions de dollars pour cette portion de terrain.

En deuxième lieu, le Groupe Mach manipule la réalité et tente de faire croire à la population qu'il est un bon citoyen corporatif. Depuis 2007, une série de processus consultatifs ont lieu par rapport à ce site en friche. D'abord la table de concertation des organismes communautaires locale, Action-Gardien, a elle-même tenue un long processus de planification citoyenne et de propositions de plans d'aménagement durant l'année 2007. La Ville de Montréal, estimant ce processus peu objectif (car il n'incluait pas les propriétaires), a donc décidée de faire la même chose, mais dans son style paternaliste et fermé, donnant le mandat à l'Office de Consultation publique de Mtl de tenir une “pré-consultation” publique pour connaître les désirs de la population locale face aux propositions générales des promoteurs immobiliers.

Ensuite de quoi un comité de suivi des propositions s'est mis en branle pour aboutir à une consultation publique, toujours sous l'égide de l'OCPM. Les travaux du comité de suivi n'ont pas donné grand-chose et les acteurs locaux n'y ont eu aucune influence. C'est que rien, dans le processus de consultation publique, n'est contraignant pour les promoteurs immobiliers ou pour la ville de Montréal.

C'est ainsi que lors des séances de consultation publique “officielles” tenues en 2009, le Groupe Mach ne s'est pas gêné pour dire qu'une entente était imminente avec des organisations locales pour céder gratuitement un des bâtiments sur le terrain pour des fins communautaires. A ce titre, le Groupe Mach n'a pas cessé de parler de l'implantation d'un Centre de la petite enfance (CPE).

Or la réalité est tout autre. Il est vrai qu'un comité formé d'organisations locales tente d'obtenir un bâtiment. Mais le Groupe Mach refuse de le rencontrer ou de négocier et se contente d'entretenir un lien ténu et avec une seule des organisations formant le comité. Et depuis février 2009, le dossier n'a pratiquement pas avancé. Le Groupe Mach ne répond pas aux propositions de “bail à 1$ par année” qui lui ont été faites pour, au moins, assurer que les groupes intéressés puissent utiliser le bâtiment en attendant de négocier la cession de propriété.[mise à jour 7oct.: les négociations ont repris sur le bail] Le Groupe Mach conteste aussi les estimations des réparations nécessaires à entreprendre, ce qui a pour résultat d'empêcher le début des rénovations. Depuis qu'il est propriétaire, le Groupe Mach laisse ce bâtiment complètement à l'abandon, toutes portes ouvertes, une stratégie de “démolition par abandon”.

En ce qui concerne le CPE, rien n'a jamais été discuté à ce propos. La direction du CPE Pointe-Saint-Charles, en fait, s'organise depuis longtemps pour agrandir son implantation, mais le site des anciens ateliers du CN n'a jamais été sérieusement envisagé et, en réalité, un autre site est déjà déterminé.

Le Groupe Mach a aussi tenté une autre manoeuvre pour avoir l'air gentil. Dans tous les cas d'entreprises s'implantant dans le Sud-Ouest, la corporation de développement économique communautaire locale, le Regroupement économique du Sud-Ouest (RESO), cherche à négocier une politique d'emplois locaux. Le Groupe Mach a été contacté à cet effet, mais aucune discussion sérieuse n'a eu lieu. Or, juste avant les consultations publiques d'octobre 2009, le Groupe Mach a contacté le RESO pour demander s'il pouvait dire publiquement qu'une entente existait à ce propos. Au RESO, généralement plutôt collaborateur avec les entreprises, la surprise a été grande. “Mais a-t-on une entente?”, a-t-on rétorqué . “Non? Alors vous ne pouvez pas dire le contraire.” Le Groupe Mach n'a pas jugé bon entamer des discussions sérieuses sur l'emploi local et le dossier n'a pas avancé.

En troisième lieu, malgré que le Groupe Mach et son président soient assez proches de la direction du CN, ils ont refusé de s'avancer sur une des principales revendications locales, soit l'ouverture d'un accès au site par l'arrière, ce qui exige d'enjamber la voie du CN. Pendant deux ans rien de perceptible n'a été fait par le Groupe Mach sur ce dossier. Maintentant que l'arrondissement du Sud-Ouest et l'AMT sont impliquées, le cas de cette seconde entrée s'est réglé en quelques mois! Et malgré cette entente qui permet d'accéder au site sans passer par le quartier résidentiel, le Groupe Mach maintient sa volonté d'éliminer le parc De la Congrégation (un petit parc situé près de la vieille entrée du site, en plein coeur du milieu résidentiel) afin de construire une “entrée de prestige” et de continuer de faire passer de gros camions. Le Groupe Mach offre, en échange de la disparition du parc, un terrain qui ne lui appartient même pas (il appartient au CN, celui-là même que le Groupe Mach affirme ne pas être capable de convaincre d'ouvrir une entrée par l'arrière)! Plusieurs personnes estiment aussi que le propriétaire cherche à jouer la disparition du parc contre le don du bâtiment revendiqué par le milieu communautaire.

En plus, nous avons appris que les travaux pour aménager cette entrée par l'arrière du site sont bloqués par le CN, qui ne fera aucun travail tant que le Groupe Mach ne lui paye pas une dette de 2 millions de dollars contractée suite à l'achat du terrain en 2006. [mise à jour 7oct.: nos excuses, cette information est inexacte. L'entrée Marc-Cantin sera réalisée par l'AMT et le CN. Les entreprises qui veulent l'emprunter doivent signer une entente avec le CN, ce que le Groupe Mach n'aurait pas encore réalisé, considérant d'autres contentieux entre les parties. Mais une entente serait imminente.]

Y a-t-il apparence de bonne foi?

Lorsqu'un promoteur immobilier multimillionnaire très proche du maire de la ville de Montréal retarde et bloque des discussions avec un maire d'arrondissement membre du parti d'opposition, lorsqu'il utilise des manoeuvres dilatoires, tente de diviser le milieu local, conteste devant les tribunaux toute décision administrative (même s'il sait qu'il ne gagnera pas), envoie des mises en demeure à ceux et celles qui ne sont pas d'accord avec lui et les poursuit en diffamation (voir Le Groupe Mach débouté 2 fois en Cour supérieure), lorsqu'il utilise son terrain en contravention des règlements de zonage et que cela met en péril la sécurité et la qualité de vie des habitant.e.s des alentours (rappelons qu'un incendie – probablement d'origine criminelle – a complètement détruit le plus gros bâtiment sur ce terrain, utilisé pour entreposer des ballots de papier sans aucun dispositif adapté à cela), peut-on dire qu'il y a apparence de bonne foi de sa part?

Nous croyons que non.

Depuis qu'il est propriétaire, le Groupe Mach n'a accepté aucune des demandes qui lui ont été acheminées, que ce soit de la part de la communauté, de l'AMT ou des élu.e.s de l'arrondissement. Au contraire, il adopte une attitude défiante et je-m'en-foutiste, allant jusqu'à affirmer qu'il pourrait bien laisser le terrain et les bâtiments pourrir jusqu'à ce qu'on le laisse faire ce qu'il veut.


M.S.
pour l'Agence de presse libre de la Pointe
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22 septembre 2010