La lutte pour le redéveloppement des anciens ateliers du CN n'est pas terminée

Agence de presse libre de la Pointe - 8 février 2011. Le dossier du redéveloppement des anciens ateliers du CN dans Pointe-Saint-Charles revient dans l'actualité (voir la revue de presse plus bas). Après près de sept ans de débats, de propositions et de contre-propositions, de consultations publiques et d'action directe, l'accord de développement est presque ficelé. Mais la lutte est loin d'être terminée pour les citoyen.ne.s des alentours; au contraire, on vit les moments les plus importants: l'entente globale de développement est pratiquement complète, mais deux éléments importants manquent à l'appel - l'entente sur la cession à la communauté du Bâtiment no. 7 et l'entente entre le propriétaire (Groupe Mach) et le CN pour pouvoir utiliser l'entrée arrière du site, via la rue Marc-Cantin.

Un dossier complexe

Depuis la cessation des activités ferroviaires sur ce site en 2003, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et beaucoup de salive et d'huile de bras ont été utilisées pour relancer le redéveloppement. On se souviendra qu'en 2005-2006 une grosse lutte locale a eut lieu après que Loto-Québec ait annoncé son intention de déménager le Casino de Montréal sur ce site. Les terrains avaient alors été vendu à M. Vincent Chiara et son Groupe Mach pour la modique somme de 1$ et l'obligation de décontaminer les lieux. Ce projet a finalement été abandonné et M. Chiara n'a pas pu faire le coup de cash attendu (il devait vendre une partie du site décontaminée à Loto-Québec pour 25 millions de dollars).

Depuis lors, des consultations publiques ont eu lieu en 2008 et 2009 pour annoncer le plan de redéveloppement: une portion industrielle comprenant les bâtiments des ateliers ferroviaires, une partie cédée (suite à un avis d'expropriation) à l'Agence métropolitaine de transport (AMT) pour y établir un centre de maintenance des trains, et une portion résidentielle développée par le constructeur de boîtes en carton Samcon (800 unités de cages à lapin vendues cher sont prévues, incluant 25% de logement social et communautaire développé, ceux-là, par le RIL-SOCAM et Bâtir son quartier).

Or des troubles-fêtes sont venus chambouler tout cela. D'une part, le milieu communautaire ne voulait pas que le promoteur principal (Groupe Mach) détruise un parc pour pouvoir faire passer les gros camions. D'autre part, des citoyen.ne.s et certains groupes locaux voulaient récupérer un des bâtiments à des fins communautaires, le poétiquement nommé “Bâtiment no. 7”.

Un complexe accord de développement doit être monté pour développer ce site. Cet accord comprend un règlement municipal qui énoncera les nouvelles règles de zonage, ainsi qu'une série d'ententes concernant les divers aspects.

Le milieu communautaire de la Pointe a donc engagé une lutte de longue haleine dont une étape cruciale est en passe d'être atteinte: la finalisation de l'accord de développement.

Rappelons que les acteurs communautaires ont du forcer la note pour être inclus dans les “parties intéressées” au dossier. En effet, promoteurs, éluEs et fonctionnaires se seraient bien passé de ces troubles-fêtes à la table des négociations. C'était mal les connaître.

Les acteurs locaux ont réussi à empêcher la destruction du parc et à faire ouvrir une entrée secondaire au site, par l'arrière, via la rue Marc-Cantin qui longe le technoparc. Ils ont aussi réussi à faire accepter un ratio de 25% de logements sociaux et communautaires, alors que la “norme” volontaire de la ville de Montréal est de 15% - mais la proportion globale, dans Pointe-Saint-Charles, est de 40%.

Après plusieurs reports, l'accord de développement pourrait être conclu pour le 18 février et adopté par le Conseil exécutif de la ville de Montréal le 21 février. Mais deux points achoppent encore.

La cession gratuite du Bâtiment no. 7

La semaine dernière le Collectif 7 à Nous publiait un communiqué dans lequel il affirmait que le propriétaire des lieux ne négocie pas sérieusement pour la cession du bâtiment à la communauté. C'est un euphémisme, car le propriétaire est carrément de mauvaise foi. D'ailleurs on a appris que ce communiqué ne lui a pas plut et qu'il s'est permis de taper du poing sur la table en séance de négociation...

Depuis février 2009, le Collectif 7 à Nous a approché le proprio pour lui demander de céder ce bâtiment gratuitement à la communauté pour y installer des projets et des services communautaires. A l'époque, ce bâtiment ne figurait pas dans les plans de redéveloppement et devait être démoli. Le proprio en a d'ailleurs démoli une partie sans autorisation, avant que les autorités de l'arrondissement ne se réveillent et l'avertissent qu'il n'avait pas le droit de le faire.

De février 2009 à la fin du mois de mai - c'est-à-dire alors que le Centre social autogéré est en pleine campagne de mobilisation pour ouvrir un squat, et alors que les "terrains du CN" font partie des options - le propriétaire accepte de négocier un bail gratuit pendant 5 ans, avec option de cession du bâtiment à la fin du bail. Cependant, le 29 mai 2009, le Centre social autogéré occupe un bâtiment ailleurs que sur les terrains du CN. Dès lors, le Groupe Mach voit la menace s'évanouir et ne poursuit plus les négociations.

Qu'à cela ne tienne, le Collectif 7 à Nous ne lâche pas prise et met de la pression sur les éluEs afin d'être inclus dans le “Comité de suivi” qui rassemble les parties intéressées au dossier. Après de multiples pressions et négociations, le projet est accepté et inscrit au projet d'accord. Ne reste plus qu'à s'entendre avec le Groupe Mach.

Celui-ci, il est important de le noter, a toujours refusé de communiquer avec les acteurs locaux – à l'exception du RESO, mais ce fut parce qu'il était obligé de le faire. Ainsi, les membres du Comité 7 à Nous ne pouvaient pas négocier directement avec le Groupe Mach. Seul un des membres de ce comité fut jugé assez respectable pour négocier et pour devenir propriétaire, éventuellement, du bâtiment.

Après bien des hauts et des bas, les négociations seraient sur le point d'aboutir et les parties sont confiantes de pouvoir en arriver à un accord – dont la teneur n'est pas encore connue – avant la date fatidique du 18 février.

L'entente CN - Groupe Mach pour l'utilisation de l'entrée arrière

Ce deuxième point qui achoppe est le “running gag” de toute cette farce politico-capitaliste. Le Groupe Mach doit signer une entente avec le CN – propriétaire des voies ferrées qui bordent le site – pour pouvoir utiliser un passage à niveau qui sera construit près de l'entrée arrière du site. L'AMT et le CN ont déjà conclu une telle entente, et l'AMT construira le passage à niveau.

Or tous les acteurs – le Groupe Mach en premier lieu – affirment que l'entente est prête. Sauf que, depuis trois ou quatre mois, personne n'a vu le papier signé par les deux parties. Lors de la dernière rencontre du Comité de suivi, en décembre, le Groupe Mach a tenté de faire accepter une “lettre d'intention” plutôt que l'entente proprement dite. Ce qui signifie qu'elle n'est toujours pas conclue, cette entente. Mais les fonctionnaires de l'arrondissement – une fois n'est pas coutume – ont tenu leur position de base: il faut l'entente, sinon pas d'accord de développement.

Il semblerait qu'un différend financier entre le CN et le Groupe Mach retarde la signature. Comme ces deux compagnies sont très jalouses de leurs secrets, personne n'en sait plus...

Un redéveloppement qui va changer le visage de la Pointe

Le site des anciens ateliers du CN fait 320 000 mètres carrés (approx. 3,5 millions de pieds carrés), ce qui correspond approximativement au tiers de la superficie du quartier Pointe-Saint-Charles. Il est acquis que l'AMT occupera 40% du site, que le Groupe Mach se réserve la portion industrielle, que le Bâtiment no. 7 (approx. 3% du site) reviendra à la communauté et que le reste sera occupé par plus de 800 unités de logements, la grande majorité des condominiums cheaps construits et vendus par Samcon.

Il s'agit d'un projet majeur qui changera la démographie et la physionomie du quartier. De quartier ouvrier, la Pointe-Saint-Charles devient de plus en plus un lieu de résidence pour une classe moyenne qui ne s'intègre pas tellement dans l'histoire et dans la communauté. En effet, la plupart des nouveaux arrivants voient une opportunité “d'accéder à la propriété” (selon la formule consacrée), près du centre-ville et des accès à la Rive-Sud, mais très peu participent à la vie associative du quartier.

C'est ça la mixité sociale: chacun de son bord.

Revue de presse

31 janvier 2011: Le redéveloppement des anciens ateliers du CN retardé par l'appétit du propriétaire (Comité 7 à Nous)

31 janvier 2011: Blocage sur les terrains du CN : le Groupe Mach retarde l'adoption et la réalisation du projet (Action-Gardien)

7 février 2011: (Radio-Canada)

8 février 2011: Revitalisation des anciens ateliers du CN. Une entente à portée de main (Radio-Canada)

8 février 2011: L'AMT récupère les anciens ateliers du CN (La Presse)

8 février 2011: Récupérer le Bâtiment no. 7: contexte, localisation et état de la situation (Agence de presse libre de la Pointe)

9 février 2011: L’AMT propriétaire des anciens ateliers du CN (Métro Montréal)

M.S.
Agence de presse libre de la Pointe
8 février 2011
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