Les condos à saveur humaine ?

Un article paru dans le journal Métro du 8 février nous laissait miroité le mirage d'entrepreneurs "engagés dans la communauté", développant des projets à échelle humaine. À quoi est-ce que tout ça rime?



Les deux jeunes hommes, décidés à se tailler une place dans le marché immobilier du Sud-Ouest, annoncent vouloir faire les choses "autrement". Comment, par des petits projets "cute" et la mise sur pied de certaines formes de retour financier à la communauté, comme une fondation pour inciter les jeunes démunis à pratiquer du sport. Est-ce sérieux?

Peut-être. Il n'est pas impossible que les deux promoteurs aient sincèrement l'intention de devenir autre chose que des requins de l'immobilier, mais là n'est pas la question. S'ils espèrent réellement pouvoir aider la communauté par leurs activités, leurs efforts seront aussi vains que naïfs. Pourquoi?

Tout simplement parce que la spéculation immobilière est actuellement l'un des principaux facteurs d'appauvrissement dans le quartier. Selon les deux promoteurs mêmes, le Sud-Ouest sera le "prochain Plateau si les investissements sont au rendez-vous". C'est-à-dire que les loyers et les taxes foncières vont continuer à augmenter. Une partie de la population du Sud-Ouest va en être expulsée, déportée vers d'autres endroits, loin de leurs réseaux d'entraide et de solidarité. L'autre partie s'appauvrira aussi, cette fois constamment au rythme des augmentations de loyer. Qu'est-ce que ça peut bien changer d'inciter les enfants pauvres à faire du sport dans ces conditions?

Évidemment, e n'est pas une mauvaise chose en soit; c'est simplement viser à côté du problème. Mais des promoteurs peuvent-ils toucher le vrai problème quand ils le génèrent eux-mêmes? La population des quartiers du Sud-Ouest ne veut pas voir ses quartiers devenir "le prochain Plateau" où elle n'aura plus de place. Contrairement à ce que disent ces deux promoteurs, le secteur n'attend pas "juste d'être développé", pas de cette façon, pas par ces gens. La population du Sud-Ouest est déjà pleine de rêves et de projets, mais ceux-ci se heurtent constamment à la priorité accordée au pouvoir de l'argent. Il faut se battre longtemps et durement pour remporter de petites victoires.

Le fait de faire des beaux petits condos à proximité des parcs ne change rien à cette réalité; c'est de la colonisation à "visage humain", c'est-à-dire, un leurre. À ce rythme, dans 20 ans, il ne restera plus de jeunes défavorisés à inciter à faire du sport, puisqu'ils auront été repoussés hors du Sud-Ouest.

Il faut arrêter de se battre sur des projets particuliers; il faut se battre pour nos quartiers, en entier.

Par Pascal Lebrun