Le fascisme (le vrai) toujours présent au Québec

Bien sûr, il y avait déjà les petits nazis qui se rasent la tête et essaient de terroriser leur communauté. Aussi tragiques que soient leur présence et leurs gestes, ils ne représentent pas vraiment une menace générale (bien qu'ils soient certainement une menace pour les immigrant.e.s, gauchistes et autres "impurs" qu'ils rencontrent). Pourtant, il existe bel et bien une menace fasciste au Québec, comme partout ailleurs.

Radio-Canada nous apprenait aujourd'hui dans le cadre de sa couverture de la grève étudiante que des écrits fascistes avaient circulé par l'entremise du journal Le Soleil, appartenant au groupe Gesca, l'organe de presse du clan Desmarais. L'auteur est Bernard Guay, haut fonctionnaire au ministère des affaires municipales.

Dans une lettre ouverte, le haut fonctionnaire s'en prend en effet aux grévistes étudiants et appelle "à s'inspirer des mouvements fascistes" pour vaincre "la tyrannie des agitateurs de gauche" par "leur propre médecine". Il s'agirait là d'un geste de "salubrité politique". Le tollé provoqué a forcé le journal à s'excuser et à retirer la lettre de son site internet. Le ministère a aussi pris des sanctions (qu'il a refusé de dévoiler) contre le bureaucrate pour qui la société ne marche pas assez au pas.

Néo-nazis et autres "bone heads" n'ont que peu d'influence sur la société; bien que dérangeants, ils ne représentent pas une menace sérieuse. Ce n'est malheureusement pas le cas de ces cravatés "respectables" qui portent les valeurs fascistes en silence jusqu'à qu'ils s'échappent sous l'effet de la colère. Parce que Bernard Guay n'est pas une exception. Après tout, Le Soleil a jugé la lettre digne d'être publiée, ne la retirant que sous la pression du scandale.

Échaudé par la contestation, l'un de ces "fascistes latents" vient de s'échapper en public. Dans l'affrontement des valeurs, il a espéré pouvoir par la violence et la répression mettre fin à la contestation populaire. En plus, il a le culot d'attribuer cette violence à la gauche; ce serait sa "propre médecine". Bien sûr, le mouvement étudiant s'est durci ces quelques dernières semaines et des assiettes et des vitrines ont été fracassées. Il y a même eu des menaces de mort à l'égard de ministres. Tout déplorables que soient ces gestes, il faut comprendre que face au mur de silence que leur oppose le gouvernement et à la brutalité de la police, il est malheureusement inévitable que des individus finissent par s'énerver.

Que ce soit clair, dès le début de la grève, c'est le SPVM qui est rentré dans le tas à force de poivre, de matraque et de grenades assourdissantes. Un étudiant a été sévèrement blessé, et la violence serait la médecine de la gauche? Est-ce violent de bloquer un bâtiment? Ça semble pas mal déranger les marcheurs au pas de l'oie, mais est-ce vraiment violent, justifiant une réaction aussi brutale de la police?

S'il y avait moyen de négocier réellement dans cette société, entre gens civilisés, la gauche ne bloquerait pas d'édifices gouvernementaux. Il faut bien le comprendre, les bureaucrates, qu'ils s'affichent ouvertement fascistes ou non, flirtent nécessairement avec cette idéologie, même s'ils n'en ont pas conscience, car, avec les politiciens importants, le grand patronat et autres membres du 1%, ils détiennent le monopole du pouvoir réel. Et c'est là la différence fondamentale entre la gauche et la droite, ce pouvoir réel, l'essence de leur différence. La droite vise à conserver le pouvoir réel aux mains d'une minorité privilégiée, que ce soit l'aristocratie, le patronat, la finance, l'état major ou l'évêché... N'importe quelle élite fera l'affaire, tant qu'il y a une élite pour s'asseoir sur les autres. Le fascisme est l'expression la plus poussée de ce désir anti-humaniste. À gauche, on désire répartir ce pouvoir, instaurer une démocratie, une vraie, abolir toute forme de domination. Jamais les détenteurs du pouvoir réel n'ont accepté ce projet. Jamais ils ne l'accepteront. Malheureusement, dans l'histoire, le pouvoir ne se donne jamais; il se prend. Il nous faut donc ou nous soumettre, ou résister. Faites votre choix.

Contrairement à Bernard Guay, je n'appellerai pas au tabassage, à la torture et au meurtre de mes adversaires (parce que c'était ça, la médecine des fascistes). Contrairement à lui, je ne suis pas une brute épaisse. Je désire par contre mettre en garde quiconque désire comme moi créer une société libre et égalitaire que les vieux démons du XXe siècle ne sont pas morts et qu'ils se terrent bel et bien parmi les dominants de notre société, privés ou publics. Gare aux fascistes. Si jamais on les inquiète trop, ils n'hésiteront pas à libérer leur bête intérieure et à maculer nos villes de sang, une fois de plus.

Par Pascal Lebrun