Compte-rendu du Conseil d'arrondissement Sud-ouest du 6 mars 2007

par Marco Silvestro

La séance de mars du Conseil d’arrondissement du Sud-Ouest s’est déroulée dans les nouveaux locaux de la mairie Sud-Ouest, au 815 Bel-Air, bâtiment industriel revampé en institution publique. Après un 5 à 7 d’inauguration des locaux, la séance ordinaire du conseil devait débuter à 19h, mais quelques bugs de la technologie de pointe des locaux ont différé les réjouissances. Finalement, à 19h08, la mairesse Jacqueline Montpetit s’élance au micro et ouvre l’assemblée. Les quelques 40 citoyenNEs dans l’assistance, qui attendent la période de question, devront patienter encore un peu. Le moment est historique, annonce la Mairesse : le maire de Montréal, M. Gérald Tremblay en personne, est assis sagement au premier rang, il est descendu dans le Sud-Ouest pour signer de sa griffe de velour néolibérale le Livre d’Or de l’arrondissement.

La séance d’auto-congratulation débute par une explication de la Mairesse sur toutes les difficultés qu’il y a à s’adapter à un nouvel environnement de travail. Les cinq conseillères et conseillers éluEs de l’arrondissement se tiennent en rang d’oignon devant la salle, mains croisées sur le bide, l’air réjouit de ceux et celles qui ont pris un p’tit drink. Ils et elles défileront tour à tour pour lire platement un texte qui retrace la glorieuse histoire de la réorganisation municipale (les fusions forcées). Suite à cet exercice de révisionnisme historique, on invitera le Maire à signer le livre d’or. Il prononcera quelques mots : « grumbl, ammeuf gniii, redeures pouêt pouêt », suivis d’un encouragement : « cette réunion historique qui se passera dans un climat agréable, j’en suis certain, agneuh, bof et vlan. »

Suivra une séance de photos-clic-clic : pendant une quinzaine de minutes les notables posent pour le flash, en famille, en duo, en trio, gros sourires, ventres rentrés et ronds de jambes. Pendant ce temps, citoyenNEs dans l’assistance avont clairement l’impression que tout cela ne s’adresse pas à nous : on ne nous regarde pas, on ne nous demande pas de poser dans la photo, on ne prend pas de photo de nous, bref : nous ne sommes là que pour être témoin de la flatulence auto-congratulatoire du pouvoir politique.

19h30. Après ces préliminaires émoustillants à souhait, la séance peut commencer. L’adoption de l’ordre du jour, formalité, ne se fera pas sans que Montpetit déplore que les conseillers de l’opposition s’opposent à une modification au règlement d’urbanisme de l’arrondissement qui vise à « donner des outils de développement aux planificateurs ». Mme Montpetit passera 5 minutes à nous expliquer que « tout cela est très technique mais très important », mais elle ne jugera pas pertinent de nous expliquer en quoi c’est important et quels changements cela amènera.

Suivra la période de commentaires des élus, dont l’un concerne la présence de jeunes athlètes aux jeux du Québec, et l’autre qui remercie les employéEs de la mairie pour le déménagement. Le conseiller Fréchette amène une information importante. Dans l’Opération propreté de la ville centrale, l’arrondissement Sud-Ouest recevra approximativement 500 000$ qui serviront à l’achat d’équipement, à l’embauche de cols bleus et d’inspecteurs (pour s’assurer que les citoyenNEs nettoient leur bout de trottoir). Un montant important sera affecté à la lutte contre les graffitis – un « fléau » dans le Sud-Ouest - en collaboration avec la police et l’organisme Tandem, lequel participe activement de la répression des jeunes tagueurs et autres artistes de la bombe à peinture (voir cet article de la Voix populaire).

Suivant l’ordre du jour, nous devions maintenant passer à la période de questions et commentaires du public. La mairesse Montpetit se trompe, saute le point et engage le point suivant. Petite commotion dans la salle. Ses adjointEs lui font remarquer qu’elle a sauté un point, ce qui nous vaudra un autre bla-bla contrit de la mairesse qui nous assure à quel point elle trouve essentielle cette période de question et que c’est la première fois qu’elle fait un tel lapsus. Notons en passant que dans la tradition psychanalytique freudienne, un lapsus est l’expression de désirs inconscients…

Une première citoyenne se présente, Mme H. Leduc, pour questionner le conseil sur certaines rénovations nécessaires à plusieurs endroits de l’arrondissement, notamment un parc près de chez elle. On lui répondra essentiellement que le plan de rénovation des parcs pour la prochaine année est concentré sur le projet du Parc de la Traite-des-fourrures. Mais que de langue de bois et de circonvolutions pour arriver à dire cela!

M. Marc Tremblay du Regroupement Information-Logement (RIL) est ensuite venu demander si le Comité exécutif de Montréal n’allait pas émettre au moins un avis de réception du Rapport de consultation publique sur le projet Nordelec. Le rapport, qui a été déposé au Conseil municipal le 26 février dernier (compte-rendu ici), n’a pas encore fait l’objet d’un commentaire officiel. Marc Tremblay demande pourquoi, alors que le conseiller Lavallée (responsable du dossier aménagement à la Ville) se permet d’écrire dans les journaux sur le projet Nordelec, il n’émet pas officiellement un commentaire sur le dépôt du rapport de consultations. Marc Tremblay trouve déplorable que, après tout ce processus public et transparent de consultation publique et de participation citoyenne, la porte des institutions se referme dès que le rapport est déposé.

S’ensuivra une discussion entre la mairesse Montpetit et M. Tremblay. Pendant ce temps, M. NeTremblay, le nettoyeur des centres-villes, est impassible sur sa chaise, luisant doucement dans la lumière tamisée. Mme Montpetit répond que le rapport est présentement en évaluation par des fonctionnaires et que le Comité exécutif se penchera dessus éventuellement. Plus important encore, Marc Tremblay demande à la mairesse où en sont les négociations entre M. Maciocia, responsable de l’habitation au Comité exécutif, et les responsables étatiques concernant le financement des 169 unités de logement sociaux prévues dans le projet. Réponse de la mairesse : mais vous savez, M. Tremblay, parce qu’on a eu des discussions et des rencontres vous et moi, vous savez que ce n’est pas aussi simple, que c’est long, c’est technique, mais on s’entend, on le sait tous, il y a consensus maintenant, c’est sur Québec qu’il faut mettre de la pression, c’est là que sont les cordons de la bourse. M. Maciocia, et moi, et vous, travaillons très forts a régler ce dossier dans les meilleurs intérêts de tous.

La conseillère Hamel interviendra ensuite dans une manœuvre de diversion qui nous fait comprendre que la lutte contre les aberrations du projet Nordelec n’est pas terminée. Mme Hamel a dit que le dossier la préoccupe, « notamment les aspects environnementaux reliés à la circulation automobile ». Un instant on a pu croire qu’elle allait prendre position contre l’accroissement de la circulation automobile et les quelques 1000 espaces de stationnement prévus…frissons, espoir…fausse alerte! Pour Mme Hamel, le problème de circulation automobile se résume à la question accessoire de « la route panoramique », une idée comme ça de faire de la rue St-Patrick une route panoramique sur le Canal-de-Lachine. Idée qui ne verra pas le jour, idée-hameçon qui permet de détourner les débats. Hamel a mordu et elle argumente là-dessus pendant quelques minutes. Allez hop, voici comment détourner un possible débat sur l’écologie en posant une question cul-de-sac…

Et voilà, ça continue comme ça, un M. A. Boucher d’un organisme de services à des jeunes handicapéEs demande s’il ne pourrait pas y avoir quelques modifications dans le processus de renouvellement du financement de son organisme, ce qui lui permettrait de mieux planifier ses activités. Réponse : oui, oui, on verra, vous savez on dépend des budgets de la ville centrale, c’est technique, blablabla. Un M. Pierre Séguin, résident de la Pointe, est venu dire qu’il était préoccupé par les graffitis. Montpetit lui a répondu que 1,5 millions de dollars ont été affectés à la lutte contre les graffitis depuis 5 ans et qu’inquiétez-vous pas monsieur on va continuer.

Voilà qui complète la période de questions et commentaires des citoyenNEs. Après la pause publicitaire, adoption accélérée et procédurale d’un gros paquet de décisions « très techniques ». Les ÉluEs lancent la machine sans plus se préoccuper des citoyenNEs dont la majorité se lève pour partir, leur présence n’étant plus vraiment souhaitée pour la suite des choses.

Ça permettra aux ÉluEs d’économiser la salive nécessaire à la lubrification de la langue de bois.

Marco Silvestro
La Pointe libertaire
13 mars 2007

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