Le Plan d’action de l’arrondissement Sud-Ouest sur le logement : un titre pompeux pour une simple bonification.

Par l'Agence de presse libre de la Pointe - 24 juillet 2012.

C’est dans la quasi-indifférence générale qu’en juin dernier le « PLAN D’ACTION EN MATIÈRE D’INCLUSION DE LOGEMENTS ABORDABLES DANS LES PROJETS RÉSIDENTIELS » de l’arrondissement Sud-Ouest fut adopté. D’ailleurs, le titre de ce document ne reflète pas son contenu puisqu’on y aborde essentiellement des éléments autour de l’enjeu du logement social et communautaire, le volet névralgique de la Stratégie d’inclusion de la Ville de Montréal, mais également le plus négligé de la part des gouvernements. Le document aurait plutôt dû s’intituler Bonification de la stratégie d’inclusion du logement social et abordable.

Le Plan d’action du Sud-Ouest le dit clairement. Il vient « vient bonifier la stratégie d’inclusion » de la Ville centrale. Mais dans les faits il est la mise sur papier des « limites acceptables des promoteurs » suite à des « demandes » de l’arrondissement depuis 2009 et une réponse à certaines revendications de groupes communautaires (pas toujours très claires malheureusement). Première conclusion sur ce résultat: ce Plan n’aura pas d’effets significatifs en faveur de ceux et celles qui peinent à se loger décemment soit les ménages à faibles et moyens revenus du Sud-Ouest.

Soyons beaux joueurs, notons brièvement certains aspects positifs. Ainsi, les règles de contribution pour les promoteurs ont été clarifiées, tous les projets d’habitation privés devront désormais contribuer au Plan d’action et désormais le Sud-Ouest change officiellement d’attitude : on s’enorgueillit du pourcentage plus élevé de logement social dans le Sud-Ouest par rapport aux autres arrondissements de la Ville, « reconnaissant théoriquement et par la bande » les résultats de plus de 40 ans de luttes des organisations militantes du Sud-Ouest sur le front du logement.

Mais il faut souligner quelques éléments négatifs du Plan qui sont autant d’occasions ratées de freiner, ne serait-ce que légèrement, la toute-puissance de la logique marchande vis-à-vis du droit fondamental au logement.
- Renforcement du logement de 2 chambres à coucher comme notion de logement familial (argument promotionnel des constructeurs pour protéger les marges de profits), position qui alimentera la saignée des ménages de 2 enfants ou plus du Sud-Ouest;
- aucun objectif précis n’est recherché par l’arrondissement (= aucune possibilité s’il y aura de réels efforts) en termes d’accroissement du parc de logements sociaux, un des rares moyens des villes pour lutter contre la pauvreté;
- glissement significatif de la réalisation de logements sociaux sur le site d’un projet vers une compensation financière, une façon pour les promoteurs privés de « ghettoïser » le logement social sur le territoire.

Au total, nous percevons dans cette tentative « progressiste molle » de la part de l’équipe du maire Dorais qu’un vernis partisan (Position du parti Vision Montréal pour se démarquer de Gérald Tremblay) dans le but de « rassurer » un certain nombre de personnes préoccupées par la condoïsation accélérée de certains quartiers du Sud-Ouest, principalement Pointe-Saint-Charles, Griffintown/Petite-Bourgogne, St-Henri.

L’habitation un enjeu de fond dans la société

Nous ne reprocherons pas à l’équipe du maire Dorais de ne pas vouloir faire de l’accroissement du logement social et de la lutte à la pauvreté un de ses objectifs. Elle ne s’est jamais engagée là dessus. Cependant, la volonté affichée dans le Plan d’action d’aller chercher une plus grande contribution des promoteurs privés pour le logement social amène volontairement l’arrondissement sur le terrain politique et économique c'est-à-dire avec une pensée pour une « meilleure redistribution de la richesse ».

Cela nous change du laisser-faire total de l’arrondissement Sud-Ouest des années 2002 à 2009 puisque nous avons un groupe d’élu-e-s « plus sensibles » aux préoccupations de justice sociale et de qualité de vie pour l’ensemble de la population. En ne voulant pas ignorer la question sociale (plutôt que de la prendre à bras le corps) autour du développement immobilier, l’arrondissement Sud-Ouest s’impose des responsabilités envers la partie significative de la population menacée par les effets mêmes du développement immobilier.

Prenons l’exemple de la mixité sociale, une notion galvaudée à souhait et qui soit dit en passant devient souvent un argument pour affirmer qu’elle n’existe pas dans un quartier comme Pointe-Saint-Charles. Dans le discours et les efforts du maire Dorais, celui-ci considère que l’enjeu de l’habitation est un des éléments importants pour assurer cette mixité (nous sommes d’accord). Donc, habitation et mixité sociale vont de pair dans le contexte actuel. D’où l’idée du Plan d’action visant à assurer un « minimum » de logement social permettant d’affirmer qu’on favorise une mixité sociale.

Or le drame social en cours dans plusieurs quartiers du Sud-ouest est celui de l’embourgeoisement. C'est-à-dire plus précisément le remplacement graduel d’une partie importante de la population d’origine ouvrière à faible et moyen revenus par son éviction des quartiers populaires en faveur d’une population nettement mieux nantie et en mesure de consommer (faire rouler l’économie). Reprises de possession, spéculation, hausses des loyers, accroissement du parc automobile, et autres éléments reliés à la dynamique du développement immobilier capitaliste et de la réglementation publique, tout ça contribue largement à attaquer la mixité sociale existante (eh oui il en existe une, mais différente de celle que veulent nous vendre promoteurs et élites politiques). L’idée est de chasser une bonne proportion de ces « non solvables » (ça fait baisser le taux de pauvreté des statistiques) tout en contribuant à façonner la nouvelle image que le développement urbain élitiste veut nous imposer.

Le problème que nous soulevons ici, c’est que Benoit Dorais ne reconnait pas explicitement les effets désastreux de l’embourgeoisement. L’arrondissement ne peut donc pas produire un plan d’action qui viserait un certain équilibre : préserver la mixité sociale encore actuelle tout en accueillant de nouveaux arrivants. Que sert l’amélioration du cadre de vie si ceux et celles qui ont depuis toujours peuplé le Sud-Ouest en sont expulsés ?

La bureaucratie et les limites de la transparence

L’autre élément qui transparaît avec force dans ce Plan d’action c’est le processus qui permet l’évaluation et les décisions concernant la réalisation de logements sociaux dans les projets d’habitation. Une exclusivité bureaucratique contrôlée par l’appareil administratif et politique et soumis à l’influence des promoteurs immobiliers y compris du GRT Bâtir son quartier, « promoteur immobilier communautaire », mais qui défend des intérêts corporatistes, mais qui aura la main haute sur des décisions « d’affaires » en logement social.

Lorsque tous ces messieurs/dames s’assoiront autour de la table pour négocier du logement social sur site ou des compensations financières, ils et elles le feront sans que nous sachions les arguments invoqués pour telle ou telle décision. Pour tout dire, nous ne faisons aucune confiance à un processus bureaucratique non soumis à l’œil, à la critique et à l’évaluation de ceux et celles qui se battent sur le terrain pour la justice sociale.

Soumises à des visées très néo-libérales (rentabilité économique absolue comme base d’évaluation) en matière de développement urbain, les perspectives du Plan d’action soumis au regard bureaucratique institutionnel n’a aucune chance de contrer les effets désastreux de l’embourgeoisement des quartiers du Sud-Ouest.

Prétendre autre chose avec ce Plan d’action n’est que de la poudre aux yeux et un argument de partisanerie électorale.