Célébrer l'organisation populaire

Murale artistique en création à Pointe-Saint-Charles





Agence de presse libre de la Pointe – mardi 8 janvier 2013. Ça y est, le projet de murale initié par le collectif La Pointe Libertaire, conjointement avec le Carrefour d'éducation de Pointe-Saint-Charles, est bel et bien sur les rails. Beau jeu de mot pour dire que cette murale se réalisera sur le mur de soutènement de la compagnie de chemin de fer Canadien National (CN), qui divise le quartier en deux, sur la rue Knox entre Hibernia et Charon.

Le groupe d'artistes locaux regroupe une douzaine de personnes de tous âges, majoritairement des femmes, et depuis le mois de septembre 2012 les rencontres hebdomadaires se succèdent. Le groupe a été formé suite à un appel ciblé auprès de certaines personnes, ainsi que par le biais des activités du Carrefour d'éducation populaire.

Le collectif de création est maintenant complet. La murale sera peinte au cours du printemps et de l'été 2013.


Occuper son quartier


Ce projet mis en branle par la Pointe libertaire est inspiré par l'Opération populaire d'aménagement qui a cours dans le quartier depuis 2004. En effet, ce mur de 400 mètres carrés a été identifié comme l'un des endroits les plus tristes du coin. Long mur aveugle de 80 mètres de long par 5 mètres de haut, il est longé par une piste cyclable, un trottoir et une rue. Un des 3 viaducs qui percent le mur est situé juste à côté. Cet espace est l'un des grands points de passage du quartier.

Mais le propriétaire, le CN, ne veut pas que la population utilise ses installations, si bien que depuis sa construction ce mur ne fait qu'imposer sa masse grise aux passants.

En 2006, une action directe de l'OPA visant l'arrondissement Sud-Ouest a été fait près du viaduc: on mettait en demeure l'arrondissement d'améliorer la sécurité de la piste cyclable. Dans ce cadre, un dessin en trompe-l'oeil a été peint sur le mur. Deux mois plus tard, des gens associés à la Pointe libertaire graffitaient le mur en plein jour et se faisaient arrêter et poursuivre en justice.

Combatifs, ils se sont défendus en négociant un contrat avec le CN et en faisant tomber les accusations criminelles. Depuis mars 2009, un contrat est signé, permettant un « projet pilote » d'embellissement, une première au Canada sur une installation du CN.(voir Murale - Quelques éléments de contexte pour plus de détails.)

Une première tentative de mettre en branle un collectif de création, en 2010, n'avait pas fonctionné pour plusieurs raisons: peu d'affinité entre les personnes, peu d'expérience d'organisation pour des projets artistiques, situations personnelles changeantes, etc.! Cette fois-ci, cependant, c'est bien parti.

Célébrer l'organisation populaire

La murale, dont la conception et le design sont en cour, célébrera la capacité populaire à s'organiser pour améliorer son sort. Dans la Pointe, on connait des dizaines d'exemples d'organisation populaire autonome: la création de la Clinique communautaire, des Services juridiques, du Club populaire des consommateurs, etc.! Les luttes pour obtenir des espaces verts, une réduction de la vitesse dans les rues, des écoles, du logement, etc.!

Depuis les années 1960, les exemples pullulent. Récemment, on relève la lutte contre le déménagement du Casino de Montréal, la lutte pour l'aménagement des anciens terrains du CN, celle pour l,obtention gratuite du Bâtiment 7, sans compter la lutte sans relâche pour que le logement construit dans le quartier respecte ce qui est déjà présent (38% de logement sans but lucratif). Bref: c'est pas le contenu potentiel qui manque!

Cependant, les participantes et les participants au collectif de création ne veulent pas juste plaquer sur le mur des exemples historiques qui, bien que politiquement très importants, ne sont pas nécessairement très... photogéniques!

Si bien que la murale ne reprendra pas exactement les exemples locaux. Le message sera plus général...

Un projet largement soutenu

Ce projet est financé par Engrenage Noir dans son volet Rouage. Il s'agit d'un organisme sans but lucratif qui "milite en faveur de l'art communautaire et activiste et qui subventionne des interventions" dans les communautés locales depuis plusieurs années. Afin d'obtenir ce soutien, la Pointe libertaire s'est associée au Carrefour d'éducation populaire de Pointe-Saint-Charles. La subvention reçue permet de rémunérer (symboliquement) les personnes impliquées dans la création.

De plus, l'Opération populaire d'aménagement, la Table de concertation communautaire Action-Gardien ainsi que l'Arrondissement Le Sud-Ouest soutiennent ce projet. D'autres fonds seront sollicités, notamment pour obtenir le matériel nécessaire et pour payer réellement les personnes qui, lorsque le climat le permettra, peindront l'oeuvre.

Un processus anti-autoritaire

Allier des pratiques individuelles dans un processus vers la réalisation d'une œuvre collective, avec des individus aux idées très diverses ! Tout un défi lorsqu'on rêve d'autogestion dans une communauté. La tentation a été grande de ne réunir que quelques copains et de créer ensuite, sans se soucier de rien d'autre que du produit final. Mais ce n'est pas la voie qui a été choisie.

Au contraire, le processus est explicitement anti-autoritaire et non discriminatoire. Même si deux personnes agissent comme coordonnatrice/teur, leur rôle se restreint à la planification du processus, à partir des discussions de groupe. Leur rôle est plutôt exécutif.

Les défis sont grands: concilier douze personnalités, douze approches artistiques et tout autant d'idées de ce qui devrait se retrouver sur mur! Créer, en gardant en tête le caractère public et communautaire de l'oeuvre. Se dépatouiller avec une surface peu commode: très longue et peu élevée, en béton armé qui perd des petits morceaux ici et là, gravée de motifs rectangulaires...

Les défis personnels ne sont pas à négliger non plus: comment avoir des discussions qui soient à la fois franches, qui touchent aux vrais enjeux, et qui demeurent respectueuses des autres, de leurs capacités, de leur situation personnelle et sociale? Comment se « fortifier » lorsqu'on reçoit des critiques? Comment se sentir bien, se respecter soi-même et pourtant suivre le groupe?

Bref, un projet porteur, emballant, qui provoquera de nombreux changements. Et qui montre, encore une fois, que l'action directe c'est tellement mieux!

Marcel Sévigny et Marco Silvestro
Agence de presse libre de la Pointe
archive.lapointelibertaire.org