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Griffintown: détournement de quartierArticle parue dans le COUAC, par Marcel Sévigny Griffintown, ancien quartier ouvrier, depuis longtemps désaffecté, est devenue en temps de le dire un terrain de jeu pour les promoteurs immobiliers et les spéculateurs. En 2005 ont n'y comptait encore que 2 ou 300 résidentEs. En 2008, le maire Tremblay impose une réserve foncière sur une grande partie du territoire au profit du seul promoteur Devimco, dixit quartier 10/30. Ceux et celles qui voyaient en lui "l'innocent de service" devront ravaler. Luttes et rapports de force entre promoteurs et autres spéculateurs s'installent. Devimco et le Maire battent en retraite, la réserve foncière est abandonnée. À terme, c’est-à-dire dans 5 ans, quelques 10 à 12 000 condos abriteront 15 à 20 000 personnes. Consultations: un vaste écran de fumée De grands bâtiments industriels (Lowney, brasserie Carling-O'keefe, etc.) sont recyclés en condos, d'autres sont démolis et de nouveaux édifices sortent de terre. Bref, déjà en ce début de 2013 le paysage est radicalement bouleversé. Après une consultation complètement bidon en 2008, contrôlé par le bureau du maire Tremblay, un PPU (Plan particulier d'urbanisme) a été adopté en 2009 et mis en application. Les résultats électoraux de novembre 2009 modifient la donne. Suite à des pressions de l'arrondissement Sud-Ouest (majoritairement du parti de Louise Harel) et de certains groupes de citoyens, l'Administration Tremblay accepte de nouvelles consultations. Cette fois, elles sont organisées par l'OCPM (Office de consultation publique de Montréal) pour faire plus sérieux. Alors que le dernier rapport de consultation n'est pas encore sorti, de 6 à 8 000 condos sont soit en construction ou déjà acceptés par la ville. Devant des maquettes en 3D, la plupart des gens sont souvent impressionnés par le spectaculaire, le tape-à-l'œil. Les promoteurs le savent. Les spécialistes en rajoutent avec les vocables à la mode: "quartier TOD"(Transit-Oriented Development), "immeubles LEED"(Leadership in Energy and Environmental Design) et de l'incontournable expression fourre-tout du "développement durable". Sans rire, les fonctionnaires de la ville présentent Griffintown comme le modèle de quartier du 21e siècle. Tous ne se laissent pas endormir. Il y a de nombreuses questions pertinentes qui surgissent de ces exercices publics. Quelques paradoxes y sont soulevés et à l'occasion ils vont jusqu'à remettre en cause la nature et la logique même du développement à qui sait lire entre les lignes. Compter sur les éluEs pour redresser un tant soit peu en faveur des préoccupations sociales ou écologiques exprimées est illusoire. D'autant plus que l'absence d'un mouvement citoyen organisé représente une vraie bénédiction pour ces messieurs/dames. L'expérience des terrains du CN l'a amplement démontré : sans mouvements collectifs importants derrière des revendications citoyennes c'est la logique du marché qui domine. C'est notoirement le cas à Griffintown. Montréal international et le capitalisme triomphant Griffintown, comme les autres grands projets de développement, fait partie de la stratégie de Montréal dans la lutte que se livrent les villes "dites internationales" pour attirer sièges sociaux et hauts salariés autour du créneau Récréo touristique de consommation. Cette grande partie de Monopoly réelle se joue sous l'œil approbateur des OMC, OCDE, FMI et Banque mondiale. Oui, Montréal est dans le coup selon plusieurs répertoires prestigieux. "Le New York Times a attribué en 2011 le titre de "hip city" à Montréal parmi le club sélect des 10 villes les plus branchées de la planète. Des dommages co-latéraux Griffintown, une "vie de quartier" bâtit autour d'une culture de consommation. Si ce n'était que cela et qu'ils nous foutaient la paix. Mais non. L'engouement pour le fric se répand dans les quartiers autour. Nos élites politiques et économiques de Montréal ne le crieront jamais ouvertement sur les toits, enfin pas encore. Mais par la bande, on souhaite ardemment se débarrasser de certaines couches sociales liées à la vieille culture ouvrière qui peuple encore les alentours. Les ménages à revenus moyens et les pauvres trop près du centre-ville sont de ceux-là. Ça dérange ces gens-là, mais pire ça ne consomme pas. Ça met en péril la compétitivité de Montréal. Nos élites politiques ne se gênent pas pour alimenter l'embourgeoisement . Ce qui exerce des pressions extrêmes principalement sur les quartiers Pointe-Saint-Charles, Petite-Bourgogne et St-Henri. Les résultats sont probants. Champion toutes catégories des augmentations d'évaluation foncière à Montréal depuis près de 10 ans, le Sud-Ouest et ses quartiers populaires voient le prix des loyers s'envoler. Ajoutée aux reprises de possession, la construction massive de condos force des centaines de ménages à se reloger plus loin, vers d'autres quartiers. La dépossession et le déracinement du territoire sont de plus en plus largement ressentis dans une population réseautée à l'horizontale. Elles sont vécues comme une violence sociale, économique et culturelle souvent diffuse mais réelle. Pour les plus conscientEs il s'agit d'une véritable guerre sociale de basse intensité menée par les pouvoirs dominants contre une population incapable de se payer le condo à 200 000$ ou plus. Détruire la vie de quartier, les réseaux d'entraide, leur importe peu, pourvu que Montréal soit sur la "mappe". Des confrontations à venir Dans un contexte où la confiance envers le monde politique continue de s'effriter, de plus en plus certainsEs en ont marre et sont prêtEs à passer à l'action contre les élites politiques et économiques. Il ne serait donc pas surprenant d'assister dans les mois et les années à venir à de véritables confrontations sur le terrain. Ils l'auront cherchée comme on dit. Marcel Sévigny analyses conjoncturelles | Nouveautés | 328 lectures
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