Non au casino ! Prise de position contre le déménagement du Casino aux portes de Pointe Saint-Charles

par le Collectif La Pointe d’espace libertaire
le 5 mai 2005

INTRODUCTION

On entend maintenant, et de façon de plus en plus insistante, la possibilité que le Casino de Montréal déménage ses pénates à la porte de Pointe Saint-Charles et du centre-ville. Il ne viendra pas tout seul. En effet, ce projet de déménagement, promu par Loto-Québec et par la Société du Havre est intégré et entouré dans un complexe plus large comprenant un hôtel de luxe, une salle de spectacle de 1 250 places, un centre de foires et le réaménagement de l'autoroute Bonaventure et du stationnement pour 4 000 à 5 000 voitures.

(voir carte)

Les « pro-déménagement » du Casino de Montréal croient que c'est une bonne chose et font valoir ou miroiter les emplois à venir, la revitalisation du secteur, les entrées de taxes à la Ville et à l’arrondissement, l'augmentation de la valeur des bâtiments autour et quelques autres aspects « positifs » de ce genre. Le progrès quoi ! Et le fait que le Casino de Montréal s’insèrera dans un ensemble plus vaste de construction (centre de foires, hôtel, etc.) aura pour effet de minimiser les questionnements sur les aspects moins reluisants de la présence du Casino près de chez nous.

D'un autre côté, il y a ceux et celles qui questionnent l'implantation d'un casino parce qu'ils et elles s'inquiètent des conséquences socio-sanitaires et économiques dans la communauté. Elles et ils seraient néanmoins tentéEs d’accepter la présence du Casino de Montréal en échange des compensations (subventions ou autres), même en sachant qu’il y aura des répercussions négatives dans le quartier.

Enfin, il y en a d’autres qui rejettent carrément le déménagement du Casino, étant convaincus qu’il s’agit d’un projet anti-social et anti-écologique. Nous sommes de ceux-là. Non seulement posons-nous des questions mais nous prenons position pour que le casino reste où il est, c'est-à-dire sur l'Île Notre-Dame. Pour nous, il s'agit d'un enjeu politique de société, rien de moins.

En effet, de très nombreuses recherches tendent maintenant à confirmer que le développement de l'industrie des jeux du hasard et de l'argent, organisé et contrôlé par l'État est une véritable « maladie sociale » dans notre société marchande. Bien plus, cette industrie entraîne et favorise, dans son sillon, son lot d'activités illicites et violentes qui ne peuvent qu'avoir des effets encore plus négatifs sur la société, les communautés locales, sur notre quartier et sur de très nombreuses personnes.

Afin d'alimenter notre recherche et notre réflexion sur cet enjeu pour notre quartier, deux sites Internet nous procurent une information abondante sur cette question:
- www.jeu-compulsif.info
- www.toxico.info

Notre texte n'aborde pas de manière exhaustive toutes les facettes de cet enjeu. Cependant notre prise de position s’appuie sur des données qui nous semblent amplement suffisantes pour que le débat public ait lieu et pour que les intérêts des unEs et des autres ressortent au fil du temps.

LA PRÉSENCE POTENTIELLE DU CASINO DE MONTRÉAL ET LES EFFETS SUR NOTRE QUARTIER

AUGMENTATION DU NOMBRE DE JOUEURS VENANT DU QUARTIER POINTE SAINT-CHARLES, DES AUTRES QUARTIERS DU SUD-OUEST ET DU CENTRE-VILLE.

Toutes les études d'experts, depuis 20 ans, concordent. Le principal facteur de l'accroissement du nombre de joueurs est la facilité d'accès aux jeux de hasard . Les études de l'équipe Govoni illustrent assez bien ce constat apparemment contradictoire, soit que le nombre de joueurs ayant des problèmes augmente avec la multiplication de l'accès au jeu. Ainsi, le taux de la population adulte ayant joué avant l'ouverture du Casino de Lyon en France est passé de 66% à 82% après son ouverture. Dans la même lignée, une étude dans la région de Niagara en Ontario confirme la même tendance, soit une augmentation du nombre de joueurs compulsifs et de nouveaux problèmes sociaux dus principalement à l'augmentation de l'accès aux casinos .

Par ailleurs, selon un article du journal Le Devoir «le déménagement du Casino sur l’Île de Montréal rendrait l’accessibilité des jeux beaucoup plus grande à la population environnante. Des recherches récentes indiquent un lien étroit entre la disponibilité des jeux et la présence de problèmes de jeu dans la population. À cela s’ajoutent les résultats d’une autre étude récente qui démontrent que les jeux des casinos se classent parmi ceux les plus fortement associés à des problèmes de jeu ».

AUGMENTATION DE LA CRIMINALITÉ, LIÉE AUX JEUX DE L'ARGENT, DANS NOTRE QUARTIER, DONT L'IMPLANTATION ACCRUE DES RÉSEAUX DE « SHYLOCKS » ET DU CRIME ORGANISÉ.

Déjà en 1993, lors de l'implantation du Casino sur l'île Notre-Dame, un consensus s'était dégagé à la Ville de Montréal et au gouvernement du Québec pour éloigner le plus possible le Casino des lieux habités et du centre-ville. Finalement, on avait privilégié le site de l'Île Notre-Dame en raison de son isolement, qui permettait, croyait-on, d'exercer un meilleur contrôle sur la criminalité et la sécurité sur le site. Ce dernier argument était plus particulièrement celui du Service de police de Montréal .

Aujourd'hui, des études démontrent amplement le fait que le crime organisé « utilise » la présence du Casino de Montréal, malgré son isolement relatif, pour blanchir de l'argent. Nous savons déjà que le crime organisé est très présent dans les casinos du Québec et du Canada. Voilà qu'un document de la Drug Enforcement Administration (DEA, USA) révèle que des organisations criminelles profitent allègrement des casinos afin de blanchir de l'argent . Il semble que de très nombreux trafiquants de drogue canadiens blanchissent de l'argent dans les casinos avant de l'acheminer de façon clandestine dans les Caraïbes et en Amérique du Sud, selon cet organisme de renseignements américains de lutte anti-drogue. Une partie des sommes d'argent perçues de la vente de stupéfiants serait également déposée dans les banques au Canada.

Dans la même veine, nous savons que des réseaux de « shylocks » se promènent allègrement à l'intérieur et autour du Casino de Montréal et ce malgré le grand nombre de caméras de surveillance. Yves Boisvert, journaliste de la Presse, mentionne très spécifiquement le cas de la famille du gardien de but José Théodore qui arpente depuis 20 ans les salons de jeu du Casino de Montréal. Ce dossier très documenté a fait l'objet d'une enquête de la police et apparaît comme un cas parmi d'autres. Dans une polémique avec le PDG de Loto-Québec M. Alain Cousineau, le journaliste de la Presse Yves Boisvert écrit :

« Laissez-moi vous présenter M. Richard Fortin, 57 ans, médecin de son état et gros joueur à votre Casino. Notre Casino, d'accord.
M. Fortin me dit qu'à partir de la fin des années 90, il se rendait une centaine de fois par année jouer au salon «VIP», celui des gros joueurs. Il jouait parfois dans les 30 000 $ au black jack. «Le prêt usuraire était toléré, accepté, je dirais même encouragé, dit-il. Il y avait le Québécois francophone, qui prêtait aux Québécois francophones, tout le monde le connaissait, on l'appelait le curé, il était dans la gang à Théodore. Les employés du Casino le saluaient quand il entrait dans le salon. Bonsoir monsieur le curé! Il y avait un Italien pour prêter aux Italiens, un juif qui prêtait aux juifs, un Chinois qui prêtait aux Asiatiques. Ça ne pouvait pas être plus clair; j'ai vu le Chinois, je me souviens de lui, il avait une tresse, il s'est présenté à une table de jeu après qu'un joueur asiatique eut tout perdu. Il est arrivé avec une grosse liasse de billets, au vu des croupiers, et l'a remise au gars pour qu'il continue de jouer. J'étais à côté de lui. Vous pouvez écrire mon nom, je peux passer le détecteur de mensonge!»
Le médecin, qui pratique dans l'est de Montréal, dit que tous les croupiers connaissaient les shylocks.
«L'homme de Théodore, ce sont eux qui l'appelaient le curé, parce qu'il était toujours habillé en noir. Il était tout le temps dans le Salon, même s'il ne jouait presque pas. Tout le monde savait ce qu'il faisait là.»
«Je l'ai dit aux chefs, au moins trois fois, je leur demandais si ça les dérangeait. Ils me faisaient des réponses évasives. C'est vrai qu'ils ont fait le ménage en 2003, après l'arrestation des Théodore. Mais avant, il y en avait, et plusieurs!»
Je maintiens donc mon accusation sérieuse. Les shylocks étaient partout, comme l'a constaté la police, et le Casino le savait ou devait le savoir. Dans un rapport de police déposé à la Cour, un agent, qui se faisait passer pour un joueur «à hautes mises», déclare s'être fait approcher en juin 2003 par un homme qui se prétendait sicilien et disait travailler pour Vito Rizzuto. Il prêtait à 10 % pour trois jours «(1217 % sur une base annuelle)» .

En somme, les réseaux de prêts usuraires (« shylocking ») en mènent large et viennent accentuer la dépendance en ouvrant du crédit usuraire. Il s'installe alors un cercle vicieux:
 Un joueur joue plus souvent et devient « accro »;
 Il n'a plus d'argent mais il veut continuer à jouer;
 Il a un accès facile à des prêteurs qui sont sur les lieux ou dans les environs;
 Il emprunte de l'argent avec un gros taux d’intérêt;
 Il vient un moment où il ne peut plus rembourser;
 La pression augmente pour rembourser (menaces, etc.);
 Menaces de saisies (biens matériels, revenus de travail);
 Impact sur la famille immédiate;
 Peut mener au suicide.

Ainsi, on peut croire que les craintes émises par la police en 1993 continuent d'être pertinentes aujourd'hui, quant aux liens que peuvent receler la présence d'un casino avec le « shylocking » et le blanchiment d'argent. Ce qui signifie, on s'en doute, toute une panoplie d'activités illicites auprès des joueurs compulsifs.

Alors, peut-on douter un seul instant que le Casino de Montréal, installé au bassin Peel, c'est-à-dire à un jet de pierre du quartier Pointe Saint-Charles, ne deviendra pas un territoire privilégié pour le crime et la violence liés au jeu ?

AUGMENTATION DE LA SPÉCULATION, DE LA CIRCULATION AUTOMOBILE ET DE LA POLLUTION DANS NOS RUES RÉSIDENTIELLES.

Comme dans n’importe quel type de développement spectaculaire, le déménagement du Casino et d’un hôtel à la porte de Pointe Saint-Charles entraînera inévitablement une montée de la spéculation . D’autant plus que les politiques anti-spéculatives de l’administration municipale sont pour le moins inexistantes. Cette spéculation risque d’être quelque peu particulière parce que certains réseaux criminels liés au jeu voudront s’installer dans les environs du Casino afin de faciliter leurs opérations et ils n’hésiteront pas à payer le gros prix pour des terrains et des bâtiments qui serviront leurs intérêts. Il y aura une pression artificiellement élevée sur la valeur des bâtiments et sur les hausses de loyer.

Ainsi, il est certain que de nombreux commerces pourront devenir des façades pour le blanchiment d’argent et le fonctionnement des réseaux de « shylocks ». Par exemple, Pointe Saint-Charles sera alors un lieu tout désigné pour ce genre d’opération commerciale.

Nous connaissons tous et toutes, ici et là à Pointe Saint-Charles, comme d’ailleurs dans de nombreux quartiers de Montréal, des petits réseaux de passeurs de drogues. Même s’il y a quelques bavures de temps en temps (un jeune homme s’est fait tuer par balles le 1ier avril dernier), une certaine « coexistence » d’équilibre demeure possible actuellement. Mais avec l’arrivée du Casino sur le seuil de notre porte, l’équilibre précaire sera brisé et il y a fort à parier que cela entraînera des conséquences désastreuses d’un point de vue social.

D’autre part, selon le journal Le Devoir, «Le plus récent rapport annuel de Loto-Québec fait d’ailleurs état à cet égard d’une augmentation de plus de 20% du nombre d’autobus amenant des joueurs dans les casinos du Québec. En moyenne, comme l’indique le plan d’action de Loto-Québec déposé l’an dernier, le Casino de Montréal attire 20 000 personnes par jour et 35 000 les journées d’affluence» . Il apparaît donc évident qu’un certain nombre de rues résidentielles du quartier verront une augmentation de la circulation automobile et d’autobus. D’autant plus, que l’on prévoit dans le nouveau secteur développé de nouveaux espaces de stationnement pour des milliers de voitures supplémentaires, ce qui générera assurément un impact polluant significatif.

ENJEUX POLITIQUES

LA STRATÉGIE DE LOTO-QUÉBEC

Depuis 20 ans dans le monde occidental, l’industrie étatique des jeux commence à laisser transparaître l’impact profond qu’elle a sur la société. De plus en plus d’études tendent à confirmer cet état de fait et animent maintenant un début de controverse au Québec. Loto-Québec et l’État en sont de plus en plus conscients mais pas dans le bon sens du terme. Ils tentent surtout de redorer l’image publique des jeux de hasard afin de continuer à augmenter chaque année la cagnotte dans les coffres du gouvernement. Pour l'année 2002, on parlait d'un montant de 1,35 milliards de $.

Une des stratégies majeures employées par Loto-Québec consiste à se présenter comme un citoyen corporatif modèle. L’idée consiste à neutraliser les organisations susceptibles de questionner les impacts du jeu organisé dans les communautés locales. En effet, Loto-Québec, grâce à plusieurs ententes et programmes, subventionne plus de 2 000 organismes communautaires qui se sont partagés plus de 20 millions de $ en 2003-2004. « La Société des casinos du Québec et Resto-Casino ont pour leur part versé 13,6 millions de $ au Fonds d’aide à l’action communautaire autonome » . On comprend bien que les organisations, qui doivent gérer les problèmes sociaux liés au jeu pathologique, à la violence familiale ou à la détérioration des conditions sociales des personnes et de leur entourage, hésiteront à contester un bailleur de fonds si généreux !

D’autre part, Loto-Québec s’emploie à étaler les impacts positifs (aménagement de parcs, emplois créés, nouveaux commerces et attractions touristiques) d’une telle implantation. Loto-Québec pourra, par exemple, organiser des sondages pour prévoir les réactions des citoyens-Nes. Elle pourra se tenir prête à engager des gens qui feront du porte à porte pour contrecarrer tout mouvement citoyen qui pourrait constituer une menace à ses visées. Enfin, elle pourra aller jusqu’à faire du chantage ou offrir des compensations aux communautés locales (par exemple : un fond de développement pour des initiatives locales) et aux citoyens-NEs (ex : des gratuités pour des spectacles) afin de réussir à diviser la communauté et faire avaler la pilule .

Si nous étions cyniques, nous pourrions demander à Loto-Québec de financer le budget de la Clinique communautaire de Pointe Saint-Charles pour faire face à l’augmentation des problèmes sociaux, à subventionner un plus grand nombre d’intervenantEs de rue auprès des jeunes, des budgets supplémentaires pour la construction de logements sociaux, etc. Mais ce serait une sorte de « fuite en avant », une stratégie de « réparation de dégâts » qui ne règlerait en rien le fond du problème. Au contraire, selon une étude pour chaque bénéfice de 1$ remis dans les coffres de l’État par le jeu, il en coûte à la société, c'est-à-dire à nous-mêmes, 6.28$ pour réparer les dégâts sociaux, culturels et économiques engendrés par l'industrie du jeu.

Négocier de telles compensations avec Loto-Québec serait inévitablement un marché de dupes.

Exemple de publicité de Loto-Québec

BEAU PROJET DE SOCIÉTÉ ?

Nous ne voulons pas que la société se décharge de ses responsabilités en regard de la question des jeux de hasard. Ce serait laisser le champ libre à toute l’industrie privée du jeu et des criminalités les plus perverses. Nous sommes conscientEs que le jeu est une activité « vieille comme le monde » et qu’il nous faut collectivement la gérer. Le jeu est une activité sociale très répandue à travers le monde et aide à la création « du lien social » dans les communautés. Mais c'est bien différent quand on transforme les jeux de hasard en industrie du jeu organisé et en moteur du développement et du progrès social, culturel et économique de la société. Il y a là une marche que nous avons allègrement franchie au Québec et qui est complètement inacceptable.

Le jeu érigé en système de redevances pour l’État, devient partie intégrante dans le modèle d’exploitation économique capitaliste actuel. Il exploite des sentiments, des pulsions et du rêve à des fins mercantiles. L’appât du gain facile y est monté en épingle et les effets sociaux pervers sont mis de côté ou carrément ignorés par les élites politiques. Quand y a t il eu un véritable débat et une réflexion sérieuse sur la question du jeu dans notre société ? Loto-Québec et le gouvernement se comportent comme si le jeu organisé était une activité anodine et sans conséquence.

UNE FILIÈRE CONSERVATRICE, CAPITALISTE ET ANTI-ÉCOLOGIQUE.

Le déménagement du Casino de Montréal dans l’Île, plus près des quartiers habités et des moyens de transport collectifs, n’a qu’un seul but : augmenter les revenus du Casino de Montréal (en baisse actuellement) pour qu'il soit une bonne vache à lait pour l’État en continuant à dévaliser les citoyenNEs. N’est-ce pas l’idée générale de réduire davantage la contribution des entreprises et d’augmenter celle des citoyenNEs dans le budget général du gouvernement ?

Pour se donner fière allure et montrer que la présence du Casino de Montréal s’intègre très bien dans l’image de marque internationale de Montréal, la Société du Havre, présidée par l’ancien Premier ministre Lucien Bouchard, fait la promotion d’un projet de développement ambitieux à l’ouest du Vieux Montréal et le long du fleuve jusqu’à l’Île des Sœurs. Ce projet comprend évidemment le Casino de Montréal associé à un hôtel et à une salle de spectacle. Mais la Société du Havre y fait également la promotion d’un centre de foires, d’un transport par tramway (la petite goutte de vert pour le développement durable) qui relierait le Vieux Montréal et le Centre-ville. Est aussi prévu le déplacement de l’autoroute Bonaventure vers le nord (vers le quartier Pointe Saint-Charles) avec un soi-disant « boulevard urbain », des passages pour l'accès au fleuve et du stationnement pour 4 000 à 5 000 véhicules.

Faut-il voir là un gaspillage potentiel de fonds publics et de ressources qui n’ont rien à voir avec une vision écologique et sociale pour Montréal et pour le quartier Pointe Saint-Charles ? Consommation, consommation, consommation semblent être les maîtres mots de ce vaste projet, à commencer par le déménagement du Casino. Et la Société du Havre a le culot de prétendre qu'il s'agit de « développement durable ».

Mais à qui profite donc ce genre de développement ? Bien sûr aux grands promoteurs immobiliers qui, associés à nos élites politiques, font la pluie et le beau temps et contrôle le développement de Montréal au détriment des besoins et intérêts de la vaste majorité des citoyennes et des citoyens de la Ville. D’ailleurs, il vaut la peine de regarder de plus près la composition du conseil d’administration de la Société du Havre qui ne recèle pas beaucoup de gens reconnus pour être progressiste de la société. Ils s’entendent plutôt pour défendre ardemment le concept de croissance économique qui est le principal leitmotiv et moteur de leur vision politique. Par exemple, le représentant de l’arrondissement du Sud-Ouest n’est nul autre que Yvon Lamarre, « bras droit » de Jean Drapeau, ancien maire de Montréal, reconnu certes pour son implication charitable tout en étant extrêmement conservateur sur le plan social et économique. Sur « l’Exécutif » de la Société du Havre outre Lucien Bouchard, ancien ministre conservateur et ancien Premier ministre du Québec et Francis Fox, ancien ministre Libéral fédéral, on retrouve Benoit Labonté ancien président de la Chambre de commerce de Montréal et actuel candidat de prestige de l’équipe Tremblay aux prochaines élections municipales, et Michel Paquin de l’Institut de développement urbain qui regroupe l’ensemble des grands promoteurs immobiliers. D'autre part, il importe de signaler la présence de Gilles Châtel des Aliments Châtel qui est également membre du conseil d’administration du RESO. Faut-il voir là un conflit d'intérêt ? Enfin, notons que sur les 30 membres du conseil d'administration de la Société du Havre, seulement 4 femmes siègent.

Actuellement, le déménagement du Casino de Montréal semble être la pierre angulaire de ce vaste projet de réaménagement du territoire à l’ouest du Vieux Montréal. Et, comme le soulignait Alain Dubois dans un de ses articles, allons faire un petit tour de piste au sein de ce secteur particulier qu’est l’industrie du jeu où les conservateurs et les néo-libéraux de tous poils semblent aimer l’industrie du « gambling ». « L'industrie du gambling et les néolibéraux de tout poil sont au grand galop. Les courses de chevaux et les paris mutuels attirent les promoteurs privés de l’industrie canadienne du gambling : le projet de privatiser les hippodromes du Québec intéresse l’écurie au fanion bleu ‘Magna Entertainment’ et l’écurie au fanion rouge ‘Remstar’.» , Alain Dubois poursuit en précisant que Magna Entertainment (une filiale de Magna International) va, semble-t-il, emporter cette course aux millions. Magna est une entreprise familiale, dont Belinda Stronach, candidate défaite à la chefferie du Parti Conservateur et actuelle députée ontarienne, est cheffe de direction. « L'empire Stronach gère déjà 13 hippodromes en Amérique du Nord ainsi que des réseaux électroniques de paris mutuels, de télédiffusion de courses et de nombreux autres intérêts reliés à l'industrie du « gambling ». Les représentants de Magna ont déjà rencontré le ministre Séguin. Brian Mulroney qui est membre du conseil d’administration de Magna a, lors d’une réception qui a eu lieu chez lui le 4 septembre 2004, pour marquer le 20e anniversaire de son élection, rencontré Jean Charest ».

De toute évidence, continue Alain Dubois « l’industrie du gambling attire des individus qui sont tissés des mêmes grosses fibres idéologiques et morales… Les conservateurs et autres chantres d’une libéralisation plus grande de l’économie et de la réduction de la taille de l’État semblent être aussi les plus chauds partisans de cette industrie… ».

Ainsi, nous pouvons observer que la filière conservatrice de la politique canadienne et québécoise imprègne largement sa marque à travers l’industrie du jeu, quelle soit étatique ou privée.
• Brian Mulroney, ex chef du parti conservateur, ex Premier ministre du Canada et père du libre échange avec les États-Unis siège au conseil d'administration « consultatif » de la compagnie mère, Magna International.
• Lucien Bouchard, ancien ministre conservateur et Premier ministre du Québec a initié les Accords sur les marchés publics (en vue de la privatisation de divers services publics) et légalisé les appareils de loteries vidéo ainsi que les casinos. Il est actuellement le président de la Société du Havre qui fait la promotion du déménagement de l’actuel Casino de Montréal à la porte de Pointe Saint-Charles.
• Mike Harris ancien Premier ministre conservateur de l’Ontario, qui pendant ses mandats à la tête du gouvernement s’est fait le champion des privatisations et de la réduction de la taille de l’État, siège au conseil d’administration de Magna. C’est sous son règne comme Premier ministre que cette province canadienne a légalisé les casinos et les appareils de loteries vidéo.
• Jean Charest, Premier ministre du Québec, ex ministre conservateur et ex chef du parti conservateur du Canada est le grand promoteur des partenariats publics/privés (PPP) et de la réduction de la taille de l’État. Jean Charest et son gouvernement travaillent actuellement à augmenter l’offre et l’accès pour les jeux de hasard et d’argent. Son gouvernement caresse les projets de : déménager le Casino de Montréal dans l’Île de Montréal; créer en PPP des casinos régionaux («centres de jeux») qui seront annexés à des hippodromes et dans le cas de Mirabel, probablement à un immense complexe commercial et récréo-touristique. Il a récemment permis à la SONACC de lancer un service de paris mutuels en ligne (www.paritel.ca/fr/f_index.htm). S’il n’en tient qu’à Jean Charest, Magna mettra la main sur les hippodromes du Québec sous peu.
• Belinda Stronach ex candidate à la chefferie du parti conservateur du Canada et actuelle députée est cheffe de direction à Magna, une multinationale fondée par son père. On se rappellera qu’un de ses thèmes de campagne préféré était la réduction de la taille de l’État. Lors de cette course à la chefferie, Belinda Stronach a tenté de se tenir à l'écart d'une controverse impliquant une entreprise de jeu de hasard et d'argent en ligne contrôlée par sa famille, qui aurait profité d'avantages fiscaux dans les Antilles. Selon des documents obtenus par la Presse canadienne, une entreprise de jeu en ligne enregistrée à la Barbade, Futuristic Entertainment Holdings, a déjà appartenu à Magna Entertainment, une division de Magna International.

CONCLUSION

Dans cette grande partie de jeu de poker qui se déploie actuellement en vue du développement des terrains entre le Vieux Montréal et Pointe Saint-Charles, le déménagement du Casino de Montréal représente, selon nous, le maillon faible du projet de la Société du Havre. C’est de Loto-Québec que viendront les principaux fonds publics pour soutenir le projet de la Société du Havre.

Autant pour l’avenir de notre quartier que pour celui de Montréal, il faut tout faire pour garder le Casino de Montréal sur l’Île Notre-Dame.

Il faut dire non au déménagement du Casino de Montréal.

Note: notes de bas de page à venir

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