Des grand-mères Mohawks agressées par des gardes de l'Agence des services frontaliers du Canada

17 juin 2008 – Information rapportée par des membres de Personne n'est illégal-Montréal qui ont assisté à l'audience de Katenies le 16 juin 2008, à Cornwall. [English version]


Samedi le 14 juin 2008 vers 14h30, un véhicule transportant deux activistes écrivaines et grand-mères Kanion'ke:haka (Mohawk) fut stoppé à Akwesasne alors qu'il traversait la frontière étasunienne pour entrer au Canada. Akwesasne est une communauté autochtone Kanion'he:haka qui s'étend sur les soi-disant provinces d'Ontario, Québec et New-York; les membres de la communauté traversent régulièrement les frontières de ces "États" et "provinces".

Katenies vit à Akwesasne, non loin de sa mère, sa fille et ses trois petits-enfants; tous résident des deux cotés de la "frontière". Kahentinehta, grand-mère elle aussi, est de Kahnawake. Katenies et Kahentinehta publient le journal Mohawk Nation News (www.mohawknationnews.com) et ont également été déléguées au Sommet des Frontières des Peuples Autochtones à San Xavier (sur le territoire Tohono O'odham, en Arizona) en novembre 2007.

Katenies fut arrêtée par les gardes de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) en vertu d'un mandat d'arrestation invoquant les causes suivantes: dossier non résolu pour avoir prétendument franchit les frontières illégalement en 2003 et offense car elle avait alors refusé d'apparaître en cours et de valider le système judiciaire colonial. Katenies a maintenu, depuis 2003, que les frontières officielles et la cour coloniale du Canada n'ont aucun droit sur les gens de Kanion'he:haka ou sur leur terre. [de l'information sur le contexte de sa lutte se trouve ici]

Samedi dernier, Katenies a réitéré le fait qu'elle ne reconnaissait pas l'autorité de l'ASFC sur la terre de Kanion'ke:haka, ainsi qu'elle l'a toujours fait. Elle fut alors brutalement arrêtée par au moins quatre gardes mâles qui lui ont plaqué le visage contre terre, qui l'ont menottée puis mise en garde-à-vue, où on l'a détenue durant trois jours.

Quant à Kahentinehta, âgée 68 ans, les gardes de l'ASFC exigèrent qu'elle quitte la voiture qu'elle conduisait. Elle refusa, et elle aussi fut brutalement assaillie par quatre gardes mâles de l'ASFC et menottée fermement. C'est a ce moment qu'elle a eu une crise cardiaque. Grâce à l'intervention de son frère – un avocat du coin qui traversait alors les frontières et ce, juste au bon moment – elle fut finalement amenée à l'hôpital local de Cornwall, en Ontario, par ambulance; hôpital où elle a passé les trois derniers jours aux soins intensifs. Sa condition est stable et elle sera bientôt transférée dans un hôpital d'Ottawa afin de recevoir des traitements supplémentaires et une éventuelle chirurgie.

L'ASFC a, à l'origine, indiqué qu'elle allait accuser Kahentinehta de diverses infractions, mais ces charges ne furent jamais présentées , probablement pour dissimuler la manière brutale dont elle et Katenies furent arrêtées en premier lieu.

Pendant ce temps, Katenies fut emprisonnée après sa brutale arrestation. Elle n'est passé devant un juge (de la Cour supérieure de Cornwall) que lundi dernier, soit le 16 juin 2008.

Des défenseurs des Six Nations, de Sharbot Lake et Akwesasne assistèrent à l'audience pour appuyer l'attitude défiante de Katenies face au tribunal colonial canadien. Plusieurs aînés de la communauté d'Akwesasne firent référence au blocage des ponts entrepris entre 1960 et 1970 et qui revendiquait la liberté de circulation des peuples indigènes aux frontières. Ils considèrent l'attitude actuelle de Katenies comme faisant partie intégrante de la lutte en cours et à long terme pour la souveraineté autochtone.

À l'audience, l'avocat fédéral de la Couronne a refusé que Katenies soit libérée sous caution. Un vieil enquêteur de l'ASFC qui semble avoir lancé un règlement de compte contre Katenies depuis 2003, a validé les attestations la Couronne. Il souligna les différents mandats et comparutions au tribunal du dossier, ainsi que le refus continuel et persistant de Katenies de reconnaître l'autorité du système judiciaire colonial, ou la juridiction de l'ASFC sur les frontières.

Selon l'enquêteur de l'ASFC, Katenies « n'a que du mépris pour le système judiciaire canadien». L'enquêteur, qui a vécu et travaillé aux frontières de Cornwall pendant vingt ans, a été forcé d'admettre que «il n'est pas rare» pour les Mohawks de se plaindre directement aux officiers des frontières du manque de juridiction, bien qu'il qualifie Katenies de «cas extrême».

Katenies et sa mère, Nancy Davis, s'opposèrent au tribunal. Nancy Davis refusa de révéler au tribunal si elle habitait dans la partie de Akwesasne qui est en Ontario ou dans celle qui est au Québec, affirmant clairement qu'elle habitait sur le territoire Kanion'ke:haka et qu'elle était une citoyenne de la Confédération Haudenosaunee. Elle commenta en souriant: «je suis la seule qui puisse exercer de l'autorité sur ma fille ».

Pendant le contre-interrogatoire mené par l'avocat de la Couronne, Nancy Davis déclara: « Nous sentons que nous avons le droit de traverser là où nous voulons, d'aller où bon nous semble. [La frontière] est une ligne imaginaire pour les Américains et les Canadiens, pas pour les Mohawks.»

Lorsqu'on lui demanda si elle reconnaissait l'autorité du tribunal, Nancy Davis répondit simplement: «Non.»

Katenies s'adressa également au tribunal, réitérant depuis le début qu'elle ne reconnaissait pas ses juridictions, refusant ostensiblement d'accepter les accusations portées contre elle, déclinant jusqu'à la lecture des ses charges. Lorsque le greffier du tribunal essaya de lui faire prêter serment, Katenies déclara: « Je peux seulement dire ce que je sais.»

Katenies insista sur le fait qu'elle continuera d'exiger des tribunaux que la question de juridiction soit remise en question; c'est-à-dire sous quelle autorité les tribunaux canadiens coloniaux, les agences et les institutions peuvent-elles clamer avoir une juridiction sur la souveraineté Mohawk. Elle déclara avec force: «Je suis quelqu'un de passionnée, je suis mère et grand-mère. Mais je n'ai reçu aucun respect. Personne n'a prêté attention à ce que j'ai allégué.»

Katenies a déjà rendu à la Cour une motion de déboutement et a invoqué la question de la juridiction le 18 janvier 2007, soit il y a presque un an et demi. Sa motion complète est disponible au bout de ce lien

Pendant le contre-interrogatoire, l'avocat de la Couronne demanda à Katenies si elle accepterait de payer une caution, ce à quoi elle répondit: « À ce stade de l'affaire ce serait une extorsion, la question de la juridiction n'a pas encore été traitée. » Elle ajouta: « Je ne vois pas pourquoi vous devriez m'incarcérer ni pourquoi vous insistez sur cette proposition sans avoir d'abord répondu à ma question.»

Elle rendit l'accusation de mépris à la Couronne en affirmant: «Ce sont [vos lois] et votre constitution dont vous ne cessez de parler. Pourquoi continuez-vous à nous ignorer, moi et mon peuple, nous qui avons notre terre et notre propre constitution?»

Dans sa proposition finale, la Couronne soutint que Katenies «n'avait que dédain pour les lois de ce tribunal.» Elle ajouta également ce point évident: « Tout à fait franchement, votre excellence, la mère et la fille ne reconnaissent pas notre juridiction.»

La Couronne demanda au tribunal de garder Katenies en détention, ajoutant: « Elle n'est pas intéressée à comparaître en cour et ne nous reconnaît pas.»

Néanmoins, la juge qui présidait l'audience, Mme Leblanc, décida de libérer Katenies sous certaines conditions élémentaires: que Katenies habite avec sa mère et avertisse la police de Akwesasne en cas de changement d'adresse (Katenies habite depuis huit ans chez sa mère, soit depuis la mort de son père); que sa mère dépose une caution de garantie (de 1000$ sans aucun dépôt); et que Katenies paraisse en cours ou assigne quelqu'un à sa défense. Sa prochaine date de comparution est fixée pour le 14 juillet 2008, à 9 heures du matin à la Cour supérieure de Cornwall.

Autant Kahentinehta que Katenies, malgré l'agression brutale par des officiels de l'ASFC portées sur elles, ont maintenu une attitude de défi et ont fait le vœu de continuer à contester la juridiction des tribunaux et des frontières officielles.

Rapporté par Nazila et Jaggi
membres de Personne n'est illégal Montréal

nooneisillegal@gmail.com - 514-848-7583
http://nooneisillegal-montreal.blogspot.com

::: Revue de presse :::

::: Ce reportage est également accessible sur le site de No One Is Illegal - Montreal

::: Une série d'articles et d'émissions radiophoniques (en anglais) est disponible sur le site de No One Is Illegal - Montreal: Katenies challenges the colonial US-Canada border