Journée internationale contre la brutalité policière. Des flics qui tapent plus fort et qui pensent moins

Les revendications contre la brutalité et l’attitude provocatrice des policiers ne sont pas de la fabulation. La lecture des journaux est assez édifiante à ce sujet. Depuis un an, plusieurs cas ont rebondis dans l’actualité avec plus ou moins de visibilité (plutôt moins que plus) :

· Après le Sommet des Amériques à Québec, le rapport annuel 2001 de Amnistie Internationale consacre une page au Canada pour blâmer le travail de la flicaille lors de l’événement. Le rapport insiste aussi sur plusieurs incidents survenus au Canada anglais, notamment une pratique consistant à conduire aux limites de la ville les autochtones en état d’ébriété et à les laisser là. Deux d’entre eux ont été retrouvés morts gelés à la périphérie de Saskatoon cette année-là (30-05-2001).

· Un policer est blâmé pour avoir craché au visage d’un adolescent, le comité de déontologie considérant que ce geste est un des plus méprisant qui soit. Son collègue est blâmé pour l’avoir laissé faire (13-06-2001). Dans le même ordre d’idée, un poulet longueuillois s’est acharné sur un enfant de 5 ans qui, semblait-il, le narguait sur sa condition de flic dans une cour d’école en 2000. Le flic l’aurait copieusement engueulé et traîné par le bras avec brutalité, revenant plus tard à la charge malgré l’intervention de la directrice de l’école. Il écope de deux jours de suspension après avoir reconnu sa culpabilité (22-03-2002). De plus, le chef de la police de L’Assomption et son adjoint sont blâmés pour avoir manqué de respect à un citoyen dans un bar (04-09-2001).

· On déplore que l’enquête interne sur l’Affaire Matticks (où des policiers de la SQ avaient fabriqué de fausses preuves) piétine et coûte très cher au contribuable (1,4 M$ pour 54 jours d’audiences) (17-12-2001). Toujours par rapport à la SQ, un article de La Presse fait état de bisbille, notamment dans les collaborations inter-corps contre le crime organisée (07-02-2002). Un autre flic est blâmé pour une enquête bâclée qui aurait dû permettre de poser des accusations criminelles (09-10-2001). De même, des policiers sont blâmés pour avoir invité des journalistes à une descente, privant ainsi les suspects de leur présomption d’innocence (30-01-2002). Une peine de pénitencier est réclamée pour un policier de la GRC qui faisait des fraudes de télémarketing en abusant des personnes âgées, après avoir enquêté longtemps dans ce domaine (15-02-2002). Un autre, à Grand-Mère, est congédié pour avoir utilisé des renseignements personnels à son avantage (17-01-2002).

· Le Commissaire à la déontologie policière demande à la Cour Supérieure de réviser son jugement invalidant les sanctions imposées par le Comité à la déontologie policière à trois des policiers impliqués dans l’Affaire Barnabé de décembre 1993 (18-09-2001). La même situation survient relativement à une autre affaire d’arrestation brutale où la victime est restée six jours dans le coma en plus de devenir aveugle : la Cour d’appel renverse une décision du Comité à la déontologie policière qui avait conclu à un usage inutile et abusif de la force. Trois flics sur quatre sont blanchis. Un de ceux-là s’est déjà fait sauter la cervelle avec son arme de service, probablement rongé par le remord (07-12-2001). Par ailleurs un autre s’en tire indemne devant le même comité après avoir tiré dans le dos d’un voleur de pots de fleurs assis dans une voiture, en 1999. La victime fut grièvement blessée (07-03-2002).

· Un policier de la Ville de Montréal est accusé d’agression sexuelle sur une jeune femme (22-01-2002). Une semaine plus tard un confrère de la SQ est accusé à Sherbrooke d’agression sexuelle contre un enfant (28-01-2002). Encore une semaine plus tard, un ex-membre de la police de Greenfield Park est condamné à 30 mois de prison pour avoir causé la mort d’un de ses collègues alors qu’il conduisait saoul (08-02-2002).

· Le Mouvement action justice dépose une plainte au Comité de déontologie policière pour l’Affaire Michael Kibbe. Rappelons que ce jeune toxicomane de 19 ans est mort suite à son arrestation en février 2001. Il est tombé en bas d’un muret de protection dans le stationnement du poste de police. Selon la version de la police, il se serait tué tout seul en se précipitant par-dessus le muret. Selon la version des plaignants, il ne pouvait le faire car il avait les mains liées dans le dos et le muret est trop haut. On l’aurait donc aidé à se suicider (08-02-2002).

· Un bloc de nouvelles de La Presse nous informe à la mi-février que deux policiers sont blâmés pour leur attitude provocatrice. Ils seront suspendus pour 3 et 4 jours le 23 mars. Un autre a eu tort d’écraser la main d’un jeune et de le photographier et un quatrième, dans une autre opération, aurait dû s’identifier à la demande d’un citoyen.

· Des agents du métro sont accusés de brutalité pour avoir battu à coups de matraque un jeune Noir au métro Villa-Maria en janvier 2002. Le groupe Jeunesse noire en action (JNEA) porte plainte à la Commission des droits de la personne du Québec car il estime que les agents du métro – qui ne sont soumis à aucun comité de déontologie – adoptent souvent une attitude provocatrice et raciste envers les jeunes (25-02-2002). Un autre policier est blâmé pour avoir injustement fouillé un mineur à la même station de métro (13-03-2002). Celle-ci a fait l’objet de 26 interventions policières en 2001. Le même jour un entrefilet du Métro nous rappelle que la Fraternité des policiers du Québec a inclus des clauses dites « orphelins » dans sa dernière convention collective et qu’en cette journée nationale de lobbying des policiers, les jeunes poulets allaient demander des indemnités.

· Une policière est blâmée pour avoir utilisé son chien pour arrêter un citoyen turbulent (15-03-2002). Enfin, un policier de Montréal est sanctionné pour avoir arrêté, détenu et accusé sans raison valable le président du Mouvement action justice, Réjean Mongeau, quelques jours après la manifestation contre la brutalité policière (21-03-2002).

À la lumière de cette liste, il devient évident que les policiers auraient besoin, encore plus que de cours pour identifier les terroristes (Le Devoir, 02-03) ou que d’effectifs plus nombreux comme le souhaitent à peu près tous les corps policiers de la province (La Presse, 07-02), d’un peu plus de formation en civisme, politesse, psychologie et sociologie.

Marco Silvestro
papatosaure[at]yahoo.ca

Article paru originellement dans le journal Le Couac, avril 2002.