Conseil d'arrondissement toujours sous occupation

La séance du conseil d'arrondissement du sud-ouest qui s'est tenue hier soir, mardi le 7 juillet, était peut-être moins tendue que la précédente, mais visiblement, pour les élu-es, la "normalité" n'est pas encore revenue dans le quartier.

En effet, bien qu'elle ait été moins importante, la présence policière était toutefois toujours bien visible dans ce que la mairesse d'arrondissement appelle (et sans rire) "la maison des citoyens". Ces citoyens et citoyennes ont par contre encore eu à se faire fouiller et à répondre à des questions parfois humiliantes pour avoir accès au conseil.

En effet, un jeune homme du quartier s'est plaint au micro qu'on lui avait demandé s'il prévoyait manger l'orange qu'il avait emportée, en sous-entendant qu'il pourrait la lancer. Un sous-entendu qui l'a, de ses propres mots, profondément insulté et humilié. Et il n'est pas le seul. Plusieurs personnes ont profité de leur temps de parole pour dénoncer les mesures de sécurité excessives, des mesures déployées, au final, contre la population.

Pour répondre, les élu-es ont affirmé qu'il s'agissait de mesures exceptionnelles, justifiées par la présence d'individus "usant de la manière forte", a dit la mairesse Montpetit, allant même jusqu'à préciser qu'elle ne faisait pas allusion aux policiers! Le conseiller Fréchette a quant à lui eu le culot de prétendre que les mesures de sécurité ne visaient qu'à assurer la sécurité du public "comme à l'aéroport quand on fouille les gens" et que les citoyens et citoyennes devraient être flatté-es qu'on s'occupe autant de leur bien-être plutôt que d'être choqué-es ou intimidé-es...

Sans les nommer directement, les élu-es faisait évidemment allusion aux membres du Centre Social Autogéré, qui pourtant n'ont jamais fait preuve de comportement violent. Pourtant, la mairesse parle de "manière forte" et le conseiller Fréchette va jusqu'à les comparer aux terroristes qui font exploser des avions... Quelle outrecuidante insulte!

Car en effet, depuis huit ans déjà les élu-es en place actuellement favorisent au maximum la violence immobilière et la déportation économique que représente l'embourgeoisement des quartiers du sud-ouest. Copinage avec les promoteurs, opacité politique et rétention d'information, malhonnêteté, mensonges, sourde oreille aux demandes et besoins de la population qu'ils et elles prétendent représenter et, pour couronner le tout, une attitude de contentement béat et orgueilleux face à leur bilan et à la population. Leur attitude et leurs gestes ont semé la misère et la désolation dans les populations des quartiers du sud-ouest, arrachées à leur territoire, un territoire de plus en plus dépecé par des condos de briques roses, des tavernes branchées hors de prix et une culture bourgeoise et consommatrice qui n'est tout simplement pas la nôtre. Croyez-moi, si les gens du Centre Social Autogéré, de Pointe Saint-Charles ou du Sud-ouest en général avaient été des sauvages, ça fait longtemps que les élu-es en auraient mangé toute une.

Ce n'est pourtant pas le cas. Après leur mandat, personne n'ira leur demander de compte, même si ça signifie que nous n'obtiendront jamais justice pour les torts et les souffrances qu'ils et elles nous ont causés. Les personnes qui se présentent au conseil d'arrondissement n'ont rien à faire de ce genre de considérations; ils et elles tentent simplement de préserver leur milieu de vie, leur communauté, leur quartier. Mais c'est une attitude que les élu-es ne peuvent accepter, car elle démontre la supériorité morale et éthique de la population face à ce personnel politique véreux. C'est pourquoi la seule stratégie des élu-es consiste à criminaliser, au moins dans le discours, une frange de cette population, la comparant sans rougir à des terroristes, alors qu'elle n'aspire qu'à la justice et au bien-être.

Juste pour bien illustrer ce propos, comparons deux événements illégaux ayant eu lieu dans Pointe Saint-Charles cette année, soit l'occupation du 2985 Saint-Patrick par le Centre Social Autogéré et l'entreposage de matière recyclable par JC Fibers sur les terrains du CN, loués sans permission par le propriétaire Vincent Chiara.

D'un côté, une foule de gens du milieu décident de reprendre en main leur environnement et leur quartier et s'emparent d'un bâtiment laissé vide destiné à être démoli pour laisser place à des petits condos de luxe. Ces gens occupent le bâtiment pendant moins de 24 heures, mais, sans hiérarchie aucune, réussissent à rendre l'endroit habitable, salubre et accueillant pour l'ensemble de la population. De l'autre, un grand promoteur fait entreposer au vu et au su de l'arrondissement pendant plusieurs mois et sans permis des matières inflammables dans un bâtiment considéré par plusieurs comme faisant parti du patrimoine de Pointe Saint-Charles. L'aventure se solde par un incendie majeur qui détruit entièrement l'édifice après quatre jours de brasier. Et encore, il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg, parce que des infractions au règlement s'étant soldée par la destruction de tout ou partie de bâtiment, il y en a eu d'autres de son côté.

Laquelle de ces deux actions est la plus dangereuse? Pour l'arrondissement, il s'agit clairement de la première, qui a été confrontée au Groupe d'Intervention Tactique (le SWAT), en armes, du Service de Police de la Ville de Montréal, alors que le promoteur Vincent Chiara n'a reçu que des contraventions ridicules pour ses actes de destruction... L'initiative communautariste et inspirante est écrasée et réprimée alors que l'égoïsme crapuleux reçoit l'appui tacite de l'arrondissement.

Il faut donc s'attendre à ce que les conseils d'arrondissement se tiennent toujours sous haute surveillance à partir de maintenant dans le sud-ouest, car d'un côté, des élu-es autoritaires tentent de protéger leurs amis en démonisant la résistance alors que de l'autre, se trouve une population en soif de justice et de dignité qui ne les laissera pas anéantir son quartier sans réagir.

Un autre cul-de-sac politique et institutionnel? Pour ma part, je pense humblement qu'il serait grand temps qu'on réfléchisse sérieusement et collectivement à remplacer cette structure gangrenée par quelque chose qui laisserait vraiment le pouvoir à la population...

Par Pascal Lebrun



Pour les terrains du CN

À propos de l'incendie
À propos des autres infractions
À propos des autres destructions

À propos de l'éviction du Centre Social Autogéré

Par la Pointe Libertaire
Par le Centre Social Autogéré

À propos de la dernière réunion publique du conseil d'arrondissement, lire Non à une construction, non à des démolitions (La Voix populaire). Lire aussi la lettre d'un résident éberlué de voir le dispositif de sécurité, Fouille-moi!