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Anniversaire de l'exécution de Sacco et Vanzetti et escouade GAMMALe 23 août 1927 à Boston étaient exécutés par électrocution les deux militants anarchistes d'origine italienne Ferdinando Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti pour le meurtre supposé de deux hommes lors d'un vol à main armée en 1920. L'affaire a marqué l'histoire principalement à cause du procès profondément inique auquel ont eu droit Sacco et Vanzetti. Le procès était en fait une telle farce qu'encore aujourd'hui on ne réussit pas à s'entendre sur leur culpabilité ou leur innocence. Une chose est sûre, par contre, c'est que le procès était bidon, puisque même le gouverneur de l'état du Massachusetts, sous recommandation de ses services juridiques, l'a reconnu lors du 50e anniversaire de leur exécution en 1977. Dans les fait, indépendamment des gestes qu'ils ont ou non posés, les deux hommes ont été condamnés parce qu'ils étaient immigrants et anarchistes. Quelles leçons peut-on tirer d'un tel événement quand on pense au fait que le SPVM vient de mettre sur pied une escouade "anti-anarchiste"? Anarchisme et violence La raison pour laquelle Sacco et Vanzetti ont été condamnés était que l'anarchisme était à l'époque perçu comme une pensée criminelle en elle-même. En effet, les anarchistes étaient alors perçus comme des barbares, des "ennemis de la civilisation", une réputation qui colle encore aujourd'hui au mouvement. Il faut dire que cette peur des anarchistes suivait une période de trente ans pendant laquelle une partie du mouvement anarchiste s'était livré à la lutte armée, voir carrément au terrorisme, qu'on nommait alors et encore aujourd'hui de façon euphémique "propagande par le fait". Généralement, les assassinats ne visaient que des monarques et des chefs d'État ou de gouvernement élus, mais il est aussi arrivé que des bombes soient posées et tuent des gens au hasard. Doit-on alors conclure que les anarchistes ont "couru après" leur répression et leur mauvaise réputation? La réponse est non. D'abord, ce ne sont pas tous ou toutes les anarchistes qui se sont livré.e.s à la lutte violente. Selon l'anarchiste Luigi Fabbri, qui a été emprisonné pour ses écrits anarchistes, ce ne serait en fait qu'une minorité d'anarchistes sous influence de la "culture bourgeoise" qui aurait agi de la sorte. Il importe peu de savoir s'il a raison ou pas. Ce qui importe, c'est que sa position démontre que l'ensemble du mouvement n'était pas nécessairement d'accord sur l'utilisation de la violence dans la lutte sociale. Plus important encore, le mouvement anarchiste, et sa répression par les forces policières, sont nés bien avant la période du terrorisme. L'un des premiers penseurs anarchistes, Pierre-Joseph Proudhon, croyait en fait que c'est par la mise sur pied de coopératives ouvrières et de banques mutuelles qu'on transformerait la société, une tendance qu'on nomme le mutualisme, très proche du mouvement coopérativiste. Ces idées sont entièrement non violentes, mais ça ne les a pas protégé de la répression et de la violence policière et étatique, comme le rapporte Martin Buber dans son livre Utopie et socialisme. À cette époque, la répression contre les mouvements ouvriers et/ou démocratiques était très dure. Les grèves, l'organisation syndicale et les rassemblements populaires étaient interdits par la loi et la police ou l'armée ouvraient régulièrement le feu ou chargeaient à cheval, sabre au clair, sur les foules. Les militant.e.s étaient arrêté.e.s et emprisonné.e.s, quand ce n'est pas exécuté.e.s, parfois simplement pour leurs écrits. La répression était plus ou moins dure selon le régime, beaucoup plus violente en Russie tsariste qu'au Canada libéral, par exemple, mais nul part n'a-t-on pu constater une absence de répression, parce que l'enjeu central de tout le XIXe et la première moitié du XXe siècle était la répartition du pouvoir et de la richesse dans une société qui était exclusivement divisée entre riches et pauvres. La minorité des possédants désirait à tout prix maintenir ses privilèges et a commis toutes sortes d'atrocités pour ce faire. Après un demi-siècle de répression et, notamment, la fin de la Commune de Paris, noyée dans le sang, le mouvement anarchiste s'est tournée vers la violence pour arriver à ses fins. Évidemment, à force de massacrer les gens, les tyrans de ce monde ont fini par créer des enragé.e.s... L'escouade GAMMA Malgré toutes ses réalisations, comme les nombreuses coopératives ouvrières, les colonies agricoles libres et autres, le mouvement anarchiste est resté pris avec cette image de violence parce qu'elle arrangeait bien les maîtres du monde. On pouvait plus facilement réprimer les militant.e.s qui luttaient pour la liberté et a justice sociale en les faisant passer pour des sauvages assoiffé.e.s de sang. Encore aujourd'hui, les médias ne parlent d'anarchisme que lorsqu'une manifestation tourne à l'émeute. Toute activité anarchiste non violente se heurte à un silence complice et malhonnête. L'annonce de la mise sur pied de l'escouade GAMMA par le SPVM va dans le sens de cette stratégie de démonisation du mouvement anarchiste. Au bout du compte, l'exploitation coloniale du reste du monde a permis aux sociétés occidentales de s'enrichir en formant une classe moyenne après la Deuxième Guerre mondiale, ce qui a quelque peu dilué le conflit social entre possédants et possédé.e.s, mais cette tension fondamentale de la société capitaliste n'a pas disparue pour autant. On la sent même reprendre de la force alors que les écarts entre riches et pauvres s'accroissent constamment et que la classe moyenne stagne depuis trente ans en Occident. Le projet néolibéral, c'est celui d'un retour à un État policier après avoir abandonné sa vocation de solidarité sociale et d'avoir laissé la société capitaliste reprendre sa configuration de base, divisée entre une minorité de très riches et une majorité de très pauvres. Alors que les membres du mouvement anarchistes, il y a dix ans très majoritairement jeunes et à l'école, se sont souvent aujourd'hui trouvé des emplois dans les groupes communautaires, les universités, les syndicats ou autres, la police voit le risque que la population en générale entre en contact avec ces "dangereux" anarchistes et réalise que ce sont des gens "comme tout le monde", simplement avec des idées différentes. Après tout, l'anarchisme est une idéologie comme une autre et il n'en existe aucune qui puisse se vanter de ne jamais avoir été violente. Les services de police sentent alors le besoin de démoniser encore plus le mouvement afin de l'isoler, pour que tout le monde en ait peur sans même jamais avoir rencontré l'un ou l'une de ses membres. Dans le contexte de l'abandon d'un projet de société égalitaire et de toute notion de justice sociale, l'accroissement des tensions sociales ne peut que s'accentuer. En vue de maintenir l'ordre pour défendre les privilèges de la minorité dirigeante, le mouvement anarchiste servira donc de bouc émissaire parfait afin de pouvoir réprimer le mouvement social plus large sans ennui. Le fait d'avoir fait l'annonce publiquement doit certainement aussi servir à entretenir la peur et la division au sein du mouvement anarchiste. Quoi qu'il en soit, la mise sur pied de l'escouade GAMMA annonce sans aucun doute une nouvelle phase dans la bataille qui oppose la population à ses maîtres pour le contrôle de la société et le partage des richesses. Espérons simplement que cette nouvelle phase nous épargnera les boucheries du XIXe siècle en Europe ou qui se produisent encore aujourd'hui dans les pays qui ont eu la malchance de se retrouver en bas de la hiérarchie coloniale... Par Pascal Lebrun analyses conjoncturelles | 541 lectures
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