Lutte pour sauver le bain Émard

Une lutte semble se dessiner à l'horizon entre le milieu communautaire d'Émard et de Côte-Saint-Paul et l'arrondissement du sud-ouest autour de la fermeture du bain Émard annoncée par la maire plus tôt cet automne. C'est ce qui devrait être annoncé dans une conférence de presse qui sera tenue sur la question mardi (1).

On peut lire dans l'annonce de la conférence de presse que le groupe à son origine croit "qu'ensemble et avec le temps nécessaire, nous pouvons trouver des façons créatives d'augmenter suffisamment les revenus de l'arrondissement du Sud-Ouest pour sauvegarder le Bain Émard, ainsi que les autres services menacés par les coupures budgétaires annoncées par le maire Dorais en octobre dernier." On peut cependant se poser de sérieuses questions quant aux perspectives offertes par cet appel à l'innovation.

En effet, à quel point est-il possible d'innover, c'est-à-dire d'inventer de nouvelles façons de faire afin de contourner nos problèmes actuels, dans le cadre d'institutions aussi lourdes et empêtrées que la ville de Montréal? Dans une société qui refuse de nouveau de taxer la richesse, est-il possible de garder le beurre et le peu d'argent du beurre? Dans un système fermé, le jeu se joue à somme nulle; donner à quelqu'un.e revient nécessairement à enlever à quelqu'un.e d'autre. Dans le contexte d'une idéologie néolibérale dominante, c'est cet aspect de la réalité qu'exploitent les chantres du "libre" marché pour mettre à mal les infrastructures collectives. En fermant le robinet, c'est-à-dire en refusant aux institutions publiques la capacité d'aller chercher l'argent là où elle est, les néolibéraux nous forcent à faire ce genre de choix difficile. C'est une victoire par attrition. Dans le cas qui nous concerne, l'arrondissement du Sud-Ouest aurait beau vouloir partir en croisade contre cet arrangement social, son pouvoir est terriblement limité face non seulement à la ville centrale, mais aussi face à l'État provincial à qui la constitution canadienne donne carrément le droit de vie ou de mort sur les institutions municipales et, surtout, tout le milieu des grandes affaires mondialisées, bien décidé à ne plus jamais payer pour des infrastructures collectives.

La question se pose alors de savoir comment défaire le néolibéralisme. Sera-ce par l'innovation au sein des structures de l'État néolibéral lui-même ou bien nous faudra-t-il innover plus encore, et contourner non pas les seuls problèmes de l'État, mais le problème qu'est l'État lui-même? Des questions qui méritent débat et dont les réponses sont lourdes de conséquences, car elles concernent toutes la façon dont le pouvoir est réparti dans la société, c'est-à-dire la démocratie elle-même.

Par Pascal Lebrun
Pour l'Agence de Presse Libre de Pointe-Saint-Charles