Le Parti Libéral et la démocratie directe

Ça fait déjà quelques semaines que le ton monte dans les différentes interventions de ministres à l'encontre de la grève étudiante. On a vu Robert Dutil attaquer la désobéissance civile en soutenant qu'elle n'avait jamais été un droit pour personne et que personne ne l'avait jamais défendue comme tel. Lors de son discours de démission, Line Beauchamp a dit avoir défendu le "respect de la démocratie et des élus de l'Assemblée nationale". Enfin, pour Jean-Marc Fournier, la politique de la rue, ça n'existe pas. Le respect de la démocratie exige l'obéissance aux élu.e.s et aux institutions en place. Encore aujourd'hui, le gouvernement en remet.

Tant d'emphase sur la question démontre que les élu.e.s du PLQ se sentent menacé.e.s, non pas en tant qu'élu.e.s, mais en tant que défenseur.e.s du régime libéral (au sens non partisan) représentatif dans lequel nous vivons. Ce n'est pas pour leurs postes qu'ils et elles ont peur, c'est pour leur système. Et ils et elles ne sont pas seul.e.s. Lucien Bouchard disait craindre que les jeunes minent "leur rapport aux institutions", leur proposant "l'action politique" plutôt que la désobéissance civile. Il est pas mal en retard. La relation des jeunes aux institutions en place est déjà minée par la corruption qu'engendre nécessairement un gouvernement fonctionnant à huis-clos au service de l'aristocratie financières des Desmarais et autres milliardaires. Le libéralisme leur reconnaît un droit fondamental à la sueur et au sang des autres, à leurs réseaux d'influences et leur domination, mais la gauche n'est pas libérale et veut autre chose comme projet de société.

Rien de tout ça n'est nouveau. Par contre, ce qui est différent avec le mouvement actuel par rapport à ceux des précédentes générations, c'est que l'État n'est plus vu comme un outil pour mettre en place les solutions proposées par la gauche. Dans le meilleur des cas, il est perçu comme un obstacle. La plupart du temps, il est carrément conçu comme faisant partie du problème. Et c'est ça qui effraie tant les conservateurs et les ministres: le spectre de la démocratie, la seule, la vraie, la démocratie directe. La coupure entre les jeunes (de gauche) et les institutions en place est totale. Ou bien le projet démocratique de la nouvelle gauche, ou bien les institutions en place doivent mourir; la coexistence est impossible.

Les libéraux pensent visiblement pouvoir gagner cette bataille en lançant des mots forts. Jean-Marc Fournir ministre de la "justice" (plutôt ministre des tribunaux) disait que la démocratie de la rue "n'existe pas dans notre société". Il est bien drôle. C'est comme la grève, qui supposément ne serait qu'un boycott et n'existerait pas; on n'a qu'à regarder dehors pour constater son existence. Robert Dutil, ministre de la "sécurité" publique (plutôt ministre de la police et autres creveurs de z'yeux)soutient que personne n'a jamais reconnu un droit fondamental à la désobéissance civile. Pourtant, toute l'histoire du mouvement démocratique repose sur son utilisation. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 reconnaît même l'insurrection comme un droit inaliénable et sacré. "Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs." Il bullshit pour les médias ou il ne connaît vraiment rien à l'histoire?

Alors, de quelle démocratie Line Beauchamp parlait-elle lors de sa démission? Celle des mafieux, des banquiers et des milliardaires? En quoi leur cirque électoral serait-il plus démocratique que les assemblées générales des associations étudiantes? Le respect de la démocratie est incompatible avec celui des élu.e.s de l'assemblée nationale. Raymond Bachand a bien raison; "assez, c'est assez"! C'en est assez des cannibales mangeurs d'humanité et de leurs valets politicien.ne.s. Laissons voir au libéraux à quel point la soupe peut encore chauffer pour leurs belles petites fesses.

Par Pascal Lebrun