Réponse à l’éditorial de François Cardinal, publié dans La Presse, dimanche le 22 mai 2005, p.A14.

Un nouveau quartier à Montréal… à quel prix pour le vieux Pointe Saint-Charles?

Montréal, le 27 mai 2005. Dimanche dernier, François Cardinal faisait l’éloge du projet « attendu et souhaité » consistant à déplacer le Casino de Montréal et à l’implanter un centre de foires, affirmant au passage, à propos des craintes du conseil des ministres sur les effets négatifs du déménagement du casino que « ces inquiétudes ne sont pas fondées ».

Dommage que M. Cardinal reprenne intégralement le discours véhiculé par la Société du Havre, puisque sur tous les points énumérés par M. Cardinal, nous avons trouvé des informations contraires dans plusieurs études scientifiques, journaux et rapports, notamment du Drug Enforcement Administration des États-Unis.

Les études démontrent que le nombre de joueurs et que les problèmes sociaux augmentent avec l’accès au jeu. Par exemple, à Lyon en France, après l’ouverture du casino, le taux de la population adulte ayant joué est passé de 66% à 82%. Ce type de résultats correspond également à des analyses effectuées dans la région d’Ottawa et de Niagara Falls en Ontario. L’argument choc du journaliste est de dire que Pointe Saint-Charles est éloigné par la distance et les barrières physiques du bassin Peel, futur site du casino. Il ne s’agit pas ici d’argumenter à savoir si Pointe Saint-Charles se trouve à 12 ou à 15 minutes de marche de l’intersection Peel et Wellington mais sur le fait que le Casino, actuellement isolé des circuits de circulation, se retrouverait dans un bassin potentiel de centaines de milliers de personnes et au cœur des axes d’accès aux ponts Victoria et Champlain.

D’autre part, il est démontré que la présence d’un casino entraîne une augmentation et une concentration de la criminalité, dont l’implantation accrue de réseaux de prêteurs usuraires et du crime organisé. Il est prévisible que certains réseaux criminels voudront s’installer dans les environs du Casino. Ceux-ci n’hésiteront pas à payer le gros prix pour des terrains et des bâtiments. Ainsi de nombreux commerces pourront devenir des façades pour le blanchiment d’argent et les réseaux de shylocks.

Aussi, avec le boom de développement dans le secteur, les spéculateurs immobiliers verront là une occasion d’acquérir des terrains et des bâtiments dans le seul but de les revendre à gros prix… pour la construction de logements sociaux? Certainement pas. Ceci entraînera, sans aucun doute, une pression artificiellement élevée sur la valeur des bâtiments, une augmentation des taxes foncières et des loyers… et les résidentEs se verront chasser d’un quartier qui est le leur depuis des générations.

Finalement, Loto-Québec estime que le Casino attire entre 20,000 et 35,000 par jour. Il apparaît donc évident que nos rues résidentielles verront une augmentation de la circulation automobile et d’autobus. Notre quartier est déjà entouré d’autoroutes et de voies ferrées… et cet achalandage, accentué par plus de 6 000 nouvelles places de stationnement, ne fera qu’augmenter les problèmes de santé reliés à la pollution de l’air. Rappelons que l’espérance de vie moyenne dans un quartier comme Pointe Saint-Charles est déjà de dix ans inférieure à certains quartiers mieux nantis, à cause de ce genre de « détails »…

Ces arguments ne sont pas nouveaux. En fait, ce sont les mêmes raisons qui ont motivé la décision des autorités municipales, en 1993, à installer le casino sur l’île Notre-Dame, loin des quartiers résidentiels.

Étant donné tous ces effets néfastes, pourquoi déplacer le Casino sur l’île de Montréal? Il paraît qu’il y a une diminution d’achalandage au Casino et que son déménagement règlerait ce « problème ». Ne s’agit-il pas plutôt d’un bon signe? Une étude états-unienne démontre que pour chaque bénéfice de 1$ remis dans les coffres de l’État par le jeu, il en coûte à la société, c’est-à-dire à nous mêmes, 6,28$ pour réparer les dégâts sociaux, culturels et économiques engendrés par l’industrie du jeu. Quels sont donc les intérêts derrière ce projet? Les personnes qui gravitent autour du projet de la Société du Havre, pour une grande partie issue de la filière conservatrice et bien nantie, convoitent-ils ces espaces?

Les plans d’aménagement prévus par des gens du quartier Pointe Saint-Charles ne sont pas compatibles avec un centre récréo-touristique dont la pierre angulaire est le Casino. Notre vision en est une de continuité avec le quartier existant : de l’habitation, des emplois, des services et des ouvertures sur le fleuve pour tout le monde. Dans tous les cas, il ne fait pas parti de nos plans et projets d’avenir d’être évincéEs de notre quartier ou de le céder comme terrain de jeu à la pègre. Nous considérons ainsi qu’il est de notre plein droit de profiter de notre quartier et d’y vivre, car il est de fait le seul endroit qui soit vraiment le nôtre.

Vivement, le débat public doit s’engager concernant le déménagement du Casino sur l’Île de Montréal et ses effets sociaux et de santé publique.

Anna Kruzynski
Geneviève Lambert-Pilotte
Pascal Lebrun
Claude-Philippe Nolin
Marcel Sévigny
Membres du Collectif « La Pointe d’espace libertaire »

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