Budget municipal: Rien pour le Sud-Ouest

Plusieurs médias rapportaient aujourd'hui que l'administration Tremblay reconnaissait enfin l'iniquité de la répartition financière entre les arrondissements, iniquité qui régnait depuis les fusions de 2002. Ceci constituerait donc un premier pas vers une solution.(1)

En effet, ce sont 12 millions de dollars qui ont été annoncés en grande pompe par l'administration de la ville centrale, avec la prétention de remédier à l'injustice sévissant actuellement entre divers arrondissements de Montréal. Selon les propos d'Alan DeSousa, rapportés par le journal Métro (1), l'administration aurait " mis à contribution les arrondissements qui ont une capacité financière supérieure à la moyenne et redistribué 20 % de l’enveloppe aux arrondissements qui ont une capacité financière inférieure".

Bref, on prend aux riches pour donner aux pauvres, en tout cas c'est ce qu'ils disent... Car au delà des beaux discours, l'injustice crasse sévit toujours. Les "riches" arrondissements ayant à faire les frais de cette nouvelle politique budgétaire sont en effet ceux d'Outremont, de Saint-Laurent et... du Sud-Ouest!(1)

C'est donc bien vrai, le Sud-Ouest ne recevra pas une cène noire. Pourtant, en plus d'abriter plusieurs quartiers parmi les plus pauvres de Montréal, le Sud-Ouest est l'arrondissement qui a connu ces dernières années les hausses les plus importantes des loyers (2) et de l'évaluation foncière (3) et, donc, des taxes municipales. Et la tendance ne fléchit même pas. Encore cette année, c'est le Sud-Ouest qui souffre le plus des hausses de la valeur foncière (4).

Qu'est-ce que ça veut dire concrètement?

1. Que le Sud-Ouest reste une vache à lait pour la ville centrale; les hausses de la valeur foncière et des taxes qui en découlent ne servant pas à la communauté d'ici, pourtant dans le besoin. On prend aux pauvres pour donner aux riches.

2. Que non seulement on voit notre quartier se faire défigurer et notre communauté être déportée par les forces du marché immobilier, mais en plus, que l'arrondissement n'obtient même pas plus de fonds pour aider les populations défavorisées qui restent et résistent encore, de peine et de misère.

3. Plus généralement, que la société dans laquelle on vit est profondément injuste, favorisant toujours les mêmes strates de la population aux dépends d'autres, toujours les mêmes aussi à devoir se battre pour vivre, même dans leur propre quartier, leur territoire, leur seule possession.

Le maire de l'arrondissement Benoît Dorais a bel et bien dénoncé la situation (5), mais à quoi bon? Même sa cheffe, Louise Harel, n'a pas pris la défense du Sud-Ouest. Le maire Dorais soutient une idéologie de type social-démocrate de compromis entre le corps social et le capital. Je le crois sincère, mais cette nouvelle gifle aux populations du Sud-Ouest me semble bien souligner l'erreur de sa position. Au bout du compte, il n'y aura pas de compromis; les gens de la Pointe et des autres quartiers populaires du Sud-Ouest ou d'ailleurs auront à se battre pour leur milieu, leur appartenance et leur dignité ou ils les perdront - le marché immobilier, avec l'aide de l'administration municipale, leur arrachera tout. Notre quartier, si peu pour eux, mais tout pour nous...

Ce n'est pas le premier article que j'écris qui soutient ce propos, mais je vois mon quartier mourir un peu plus à chaque semaine, au petit feu des reconversions ou des changements de zonage. Ma communauté se meurt dans le silence généralisé, et j'en souffre profondément; moi, je ne garderai pas le silence.

Par Pascal Lebrun
Pour l'Agence de Presse Libre de Pointe Saint-Charles

Sources:
(1) Jennifer Guthrie, Métro, La ville cherche l'équité
(2) Augmentation du prix des loyers - Le Sud-Ouest en tête!
(3) Compte-rendu du conseil d'arrondissement Sud-Ouest du 5 décembre 2006
(4) La Presse Canadienne, Métro, Les propriétés augmentent de 24 pour cent à Montréal
(5) Stéphane Waffo, Branchez-vous! Matin, 12 M$ pour les arrondissements de Montréal