Coupures et hausses de taxes dans le sud-ouest

Aux prises avec un déficit de 2 millions de dollars, l'arrondissement du sud-ouest a pris la décision de fermer une piscine publique et d'implanter une taxe "spéciale" (1). C'est le bain Émard, ainsi que dix emplois, qui écopent de la coupure alors que la nouvelle taxe sera limitée à Griffintown.

Le problème n'est pas nouveau; depuis la construction de la grande ville de Montréal, il existe un déséquilibre fiscal entre les arrondissements et la ville centrale. Gérald Tremblay avait adouci ce déséquilibre l'année dernière en redistribuant une somme de 12 millions de dollars aux arrondissements, mais le sud-ouest, un arrondissement "riche" et, surtout, issu de l'opposition, était passé en-dessous de la table (2).

Les conséquences de ce déséquilibre commencent donc à se faire sentir pour la population. Une piscine publique et dix emplois en moins et l'imposition d'une nouvelle taxe. Le maire Benoît Dorais nous dit même que le déneigement pourrait souffrir (encore plus) en qualité cet hiver.

Analyse de la décision de l'arrondissement

Les coupures budgétaires et les fermetures de services publiques sont devenus monnaie courante depuis 20 ans, mais il y a une particularité dans cette décision-ci; c'est celle d'avoir recours à une levée de taxe. Contrairement aux néolibéraux, le maire Dorais, en social-démocrate sincère, n'est pas rebuté par l'idée d'une hausse de taxe. On se rappellera qu'une telle taxe "spéciale" avait déjà été annoncée par l'arrondissement pour financer la construction d'un parc sur le terrain de l'ancienne Seracon, un parc qui prendra la place de la deuxième tour de condos initialement prévue par le propriétaire actuel du terrain (3 et 4). Le fait que cette nouvelle taxe se limite au secteur de Griffintown, en phase finalement d'embourgeoisement, indique peut-être aussi une volonté de taxer les plus riches d'abord.

Le problème avec les taxes municipales, c'est qu'elles sont des impôts fonciers, c'est-à-dire qu'elles se basent sur la valeur de la propriété plutôt que sur le revenu d'une personne pour la taxer. Ainsi, il est bien possible, et ça arrive souvent, que la valeur de la propriété d'une personne et, donc, son compte de taxes, augmentent sans que son revenu ne se soit amélioré. Dans le cas du logement locatif, une hausse de taxe est généralement simplement refourguée aux locataires par une hausse de loyer correspondante. Ainsi, avec la spéculation, les hausses de taxes foncières sont le principal moteur de la déportation économique dont sont victimes les populations du sud-ouest (5 et 6), puisqu'une hausse de taxe se transfère à peu près directement en hausse de loyer.

Même si la décision de n'imposer une nouvelle taxe qu'à Griffintown épargne pour l'instant les populations les plus défavorisées du sud-ouest (les pauvres, comme le reste des habitant.e.s du coin, ont déjà été expulsé.e.s de Griffintown par les expropriations qui ont marqué le début du projet actuel), elle consolide l'embourgeoisement de ce quartier qui se trouve juste de l'autre côté du pont Wellington. Le redéveloppement de ce quartier aura des conséquences importantes sur la spéculation immobilière et, par extension, sur les comptes de taxe dans la Pointe. Autrement dit, à moyen terme, cette hausse de taxe pour les propriétaires des nouveaux condos de Griffintown finira par affecter la population de Pointe-Saint-Charles qui lutte encore pour pouvoir demeurer dans son quartier et son tissu social. Le rouleau compresseur de l'embourgeoisement continue donc son oeuvre même par des dossiers qui semblent être sans rapport.

Par Pascal Lebrun
Pour l'Agence de presse libre de Pointe-Saint-Charles